De Pékin à Incheon

Décidément, nous ne sommes pas les seuls à avoir eu l'intention de découvrir la capitale... Une foule de touristes, étrangers mais surtout chinois, se presse dans tous les lieux qui se visitent. « Se presser », c'est peu dire lorsqu'il s'agit de décrire le comportement des asiatiques devant les centres d'intérêt. Des fans en effervescence dans un concert des Offspring ne feraient pas mieux en matière de pogo. Mais ici, c'est avec le sourire en plus ! Ce bouillonnement ainsi que la chaleur pesante rendent les visites quelque peu...fatigantes. Néanmoins, nous persévérons, car sait-on si un jour nous retournerons à Pékin ? Palais d'été, Cité interdite, place Tienanmen... Au milieu de ce tumulte, les locaux trouvent toutefois le moyen de conserver leur naturel. Ainsi, à la nuit tombante, une fois les foules dissipées, ils se retrouvent dans les nombreux et vastes parcs de la ville pour y pratiquer danse, chant et musique. Nous deviendrons à notre tour danseurs, le temps d'une ronde, suivant non sans peine les pas qui évoluent au gré des musiques.
Nous quittons notre « Grenouille à 3 pattes » après une semaine de confort et entamons notre dernière ligne droite jusqu'à l'océan. Dès le premier soir, nous regrettons la climatisation de notre dortoir. Il fait chaud et humide, le jour mais aussi la nuit. Le seul instant de fraîcheur quotidien est la glace que l'on s'offre l'après-midi. Toujours trop court. Après quatre jours nous atteignons l'océan à un point bien précis : là où la muraille se termine dans les flots. La visite est plus symbolique que plaisante. Ainsi, nous aurons parcouru à vélo l'entière longueur (Ouest-Est) de la muraille. Par contre le lieu est affreux. Payant, rénové, peuplé de méduses, envahi de stands de boissons, de glaces ou de photos souvenirs... La petite note amusante imprévue au tableau est le navire échoué au pied de la muraille. 
A Qinhuangdao, nous faisons nos au revoir à la Chine. Nous n'osons dire adieu, car il se peut bien qu'un jour nous y revenions. C'est empreints de mélancolie que nous passons notre dernière soirée dans un parc. Nous nous imprégnons une fois encore de la douceur et de la simplicité propre à ces lieux qui ont su nous séduire dans ce pays. Le 24 juillet nous embarquons sur le ferry qui nous emmène à Incheon, en Corée du Sud. Nous y retrouverons René, Christine et Diane (parents et soeur d'Aline) pour une période qui déjà nous semble trop courte. AG 25.07.13
 

Canards pékinois

Chaque grande ville ou région du monde a son animal fétiche. Berne a ses ours, la France son coq, Nîmes ses rats, le Nord du Québec son Labrador, saucisse son Lyon et Pékin son canard. Parlant de canard, cela me fait penser à cette vieille blague de Coluche : « Quelle différence y a-t-il entre un canard ? » Et qui s'amuse à y répondre: « Ses pattes se ressemblent, sauf la gauche ! » Mais je m'égare, ce qui peut s'avérer des plus imprudent dans une ville que même Dédale n'aurait osé imaginer. Ici, il n'y a pas plus de lac que d'étang, mais le canard se trouve à chaque coin de rue. Ici, le canard ne s'admire pas dans une fosse, mais s'y retrouve un peu plus tard. Avant de mettre mes roues dans cette fourmilière géante qu'est Beijing, je pensais que c'était les cols blancs qui mangeaient les colverts. Bien au contraire, le volatile se fait mastiquer par toutes les bouches, par toutes les bourses. Mais attention, n'allez pas croire que le « Pékin » moyen a droit au blanc ! Non, c'est dans les restaurants chics aux prix chocs que l'on trouve le « blanc ». Les « carcasses » restant dans la rue, vendues à bas prix dans un monde où tout s'achète, où tout se vend. OF 15.07.2013


De Hohhot à Pékin

Hohhot... Notre ville, notre coup de coeur. Oh ! elle n'a rien de bien extraordinaire au premier coup d'œil. Mais l'on s'y est senti bien. Juste bien. Et c'est tellement. Un Anglais qui y habite depuis quatre ans nous a confié que Hohhot était « la meilleure ville du monde où vivre », après Londres bien sûr, racines obligent. Pourquoi? Les gens. Deux mots qui résument toute la beauté de cette capitale provinciale. 
Pourtant, le début de notre relation urbaine n'a pas été des plus lumineux. Fatigués par notre longue route, nous nous arrêtons au premier hôtel que nous visitons. Pour un prix raisonnable, nous obtenons une minuscule chambre avec une petite salle de bain, mais sans fenêtre. Le manque de lumière et d'air ainsi que l'humidité stagnante de notre lessive ont raison de mon humeur. De plus, le cyber-café du quartier ne peut nous recevoir, « sorry ». Vous avez une carte d'identité chinoise ? A votre avis ! Alors non, vous ne pouvez pas avoir accès au réseau. A force d'arpenter les rues, nous trouvons un gérant de cyber-café qui a l'idée, oh eurêka ! d'utiliser sa propre carte pour nous valider l'accès. Juste à côté de l'établissement se tient un petit hôtel du genre de ceux qui n'acceptent pas les étrangers. Allez, tant qu'à faire, essayons ! Le propriétaire, un homme qui ne cesse de rire à longueur de journée, nous ouvre grand les portes de son modeste gagne-pain. Une petite chambre, avec fenêtre ! Déménagement immédiat. Je respire à nouveau. Bon, ce que je n'ai pas encore avoué, c'est que notre nouvelle chambre se trouve à deux pas d'un marché où les stands, tous plus alléchants les uns que les autres, éveillent les sens de l'aube au crépuscule. Ce quartier deviendra nôtre, le temps d'une semaine.
La raison première de notre venue à Hohhot était le renouvellement de notre visa. Nous en repartirons avec bien plus que ce sésame. C'est d'ailleurs le coeur lourd que nous reprenons la route. Mais d'autres contrées nous attendent ! Notre itinéraire : le Nord, à la recherche des grasslands, puis Sud-Est jusqu'à l'Océan Pacifique en passant par la Grande Muraille. Sur ma selle, un petit grain de sable vient se faufiler dans le rouage bien huilé de notre planning. Hohhot nous l'a pourtant confirmé : c'est dans les villes que nous apprenons beaucoup de la Chine. Et nous voilà partis pour un mois de quasi pleine nature. Ça déraille. D'autant plus que les rabatteurs des tours organisés pour la visite des yourtes mongoles nous assaillent dès la sortie de la ville. La promesse d'une terre sauvage et d'un peuple authentique est mise à mal. Changement d'itinéraire. On raie les grasslands de la liste et l'on y ajoute... Pékin ! Cap à l'Est ! Et c'est tant mieux, car nos attentes de verdure sont pleinement satisfaites par notre nouvelle petite route de campagne. Mais qui dit végétation luxuriante, dit pluies abondantes ! 
Pour la première fois en Chine, nous nous déplaçons sans carte détaillée, car nous voilà dans la province de Beijing. Ce qui n'était pas prévu initialement. Un seul nom pour nous guider, celui d'un tout petit village près de la Grande Muraille. Nous n'avons que des informations incomplètes, imprécises et même erronées sur la façon d’y accéder. La route s'allonge au fil des jours ; notre objectif s’estompe et l'on croit ne jamais plus pouvoir l'atteindre. Puis finalement, d'informateur en informateur, nous le trouvons, perdu au bout d'une petite vallée boisée. Un coup d'oeil à la ronde suffit à dissiper tous les efforts passés : nous sommes entourés par la muraille. Majestueuse, elle et ses nombreuses tours dominent la crête des montagnes qui nous surplombent. Ici, pas de complexes touristiques, pas de stands de coca ou d'attractions à la Disneyland. Ici, la muraille est intacte, épargnée des efforts de rénovation dont savent faire preuve les Chinois. Deux jours durant nous l'apprivoiserons. Authentique. Belle. Blanche de ses pierres de dolomite. Le temps l'a rendue farouche et inhospitalière par endroits. C'est qu'il ne faut pas avoir le vertige, l'équilibre précaire ou le pas mal assuré ! La difficulté de son accès renforce la splendeur des vues qui s'offrent à nous à chaque fois que l'on relève la tête. Spectaculaire. Non seulement la muraille qui serpente au loin mais aussi l'environnement dans lequel elle s'impose.  
Jamais nous n'aurions pensé qu'entrer dans Pékin à vélo serait aussi facile. Une route quasi rectiligne nous a conduits de notre petit paradis verdoyant et calme à la jungle lumineuse de la capitale. En grands optimistes, nous n'avions évidemment rien réservé. Une fois de plus, raison nous est donnée, car après quatre auberges de jeunesse complètes, « la Grenouille à 3 pattes » nous ouvre ses portes. AG, 11.07.13

La Cité Interdite


En s'approchant de la capitale

Un style 100% cyclo-chino

Temple Taoïste creusé dans le flanc d'une falaise

La falaise en question

Toiture rurale

Jour d'inventaire !?!











 


1er juillet (extrait du journal de bord)

Pluie, pluie, pluie. Toute la nuit. La tente n'est plus étanche : la toile externe perce tout comme la fermeture éclair de notre habitacle. On a de sacrés doutes sur l'imperméabilité du sol également. Difficile de dormir sereins lorsque la peur d'être mouillés à l'intérieur nous tient. Au matin... joyeux anniversaire ! Ça doit bien être la première fois qu'Olivier a droit à une météo aussi capricieuse pour sa fête. L'avantage de la pluie, néanmoins, c'est le déjeuner au lit. On prend le temps, peu pressés de lever le camp, car la grisaille du ciel ne promet aucune amélioration. Notre soleil du matin, ça sera la boîte jaune de Ricola. Avez-vous déjà remarqué à quel point le paysage alpin qui s'y trouve est magnifique ? Finalement, une accalmie s'annonce et l'on se décide à plier bagages. Bien sûr, à peine le nez sorti de la tente, l'averse recommence. On n'est pas encore sur nos vélos que déjà nous nous sentons trempes. N'en reste pas moins que les paysages sont splendides. Du vert, du vert et du vert. Ou plutôt des verts, car les tons sont multiples. Un peu de rouge aussi. Les collines sont souvent scindées en deux par de longues failles sinueuses qui ajoutent un caractère brut à la douceur des verts. Dans un petit village où nous devons assurément être les premiers cyclo-voyageurs étrangers à poser pieds, nous nous arrêtons faire quelques courses. Une petite pièce, mais tout y est... un peu en vrac, certes. Quelques rayons de soleil finissent par percer, un petit espoir naît, la pluie diminue un instant... puis recommence. à la montée, nous poussons pour ne pas suer dans nos vêtements de pluie. L'imperméabilité a du bon, mais pas toujours. Pour dîner, nous nous arrêtons sous un pont : à l’abri de la pluie, mais en plein courant d'air. Aller rechercher la veste polaire dans nos sacoches, c'est prendre le risque de la mouiller. Alors autant dire que le temps de la pause sera juste suffisant pour avaler quelques paquets de noodle soup. Vers 14 heures, on rend les armes. A quoi bon persévérer ? Il n'y a absolument rien d'agréable à rouler ainsi trempés. On trouve un autre pont et l'on s'y installe. D'abord faire sécher la tente. Puis se changer. Puis faire du thé chaud. Pendant que je ventile manuellement le sol de l'habitacle de la tente encore trempe, Olivier surveille le petit filet d'eau qui a commencé à couler sous le pont. De petit filet d'eau, il devient gentiment petit ruisseau, lequel commence à menacer impertinemment le bien-fondé du choix de notre emplacement. Et puis ça y est, la petite rivière finit par franchir les tranchées qu'Olivier avait creusées dans le sable. La sentence sonne comme une évidence : il nous faut partir. Cela veut dire replier la tente, enlever les habits secs et chauds pour remettre ceux de pluie, rechausser les godasses gorgées d'eau... Un court instant à découvert et nous voilà à nouveau trempés. Nous roulons quelques kilomètres et apercevons une petite maison qui semble, de loin, être abandonnée mais qui s'avère être, de près, un temple religieux. Une dizaine de kilomètres de plus et nous trouvons un autre pont. Le problème : la tente occuperait toute la largeur de cet abri de fortune et il risque d'y avoir du passage motorisé. Un peu plus loin, après avoir encrassé sérieusement nos vélos d'une boue collante, nous atteignons une maison abandonnée. Un trois pièces, truffé de crottes humaines et de déchets. Et le toit qui goutte. Même en faisant un brin de ménage, nous ne parviendrions pas à tendre convenablement la tente. Alors tant pis, on se résout à la mettre dehors, sous la pluie, à la vue de tous. On s'y réfugie une fois toutes nos affaires rangées stratégiquement. Il est 18 heures et nous pouvons enfin nous consacrer au repas d'anniversaire ! Une saucisse au goût de jambon fumé, des cacahuètes en robe de sucre, des fèves grillées, des œufs de caille, une bouteille d'alcool local et, la grande trouvaille du moment, du fromage ! Certes, mongol, mais il est écrit « cheese » sur l'emballage. Une première morce... surprise ! Il s'agit plutôt d'une pâte de massepain pour ce qui est de la texture, d'un semblant de caramel mou pour ce qui est du goût et d'une petite note de lait pour finir la bouchée. Décidément, Chine et fromage feront toujours deux. Par contre, la surprise véritable de la soirée est l'apparition inattendue du soleil, qui parvient même à nous réchauffer de ses derniers rayons. Nous pouvons enfin espérer le beau pour demain. Pour terminer les festivités, une adaptation du traditionnel « soleil de Hawaï », version chinoise. Repus et rassurés par l'évolution de la météo, nous nous endormons sans demander notre reste. AG, 01.07.13 


"Urbanitude"

On ne vous a fait que trop voyager dans ces grandes zones minérales bordées de déserts ou de chaînes de montagnes. Il est temps de nous accompagner là où la verticale se conjugue à merveille avec les cris des marchands, là où les ronronnements des grosses cylindrées et les odeurs en tout genre vous envahissent à chaque instant. Il est temps de vous asseoir quelques instants dans ce parc, si subtilement ombragé et de partager une glace au parfum maïs ou petits pois en notre compagnie. Bienvenue en ville chinoise ! Nous n'entrerons pas dans ces mégapoles telles que Shanghai, Hong-Kong ou Beijing. Non, nous nous limiterons à des villes d’un voire deux millions d'habitants « seulement ». Ici, on construit à tour de bras. Pas un building, ni deux, mais des quartiers entiers comprenant quinze, vingt ou même cinquante nouveaux bâtiments. Des projets architecturaux qui permettraient de reloger Corsier, Corseaux et St-Légier dans un seul et unique site. Face à ces chantiers, vous me trouverez perplexe. Si la Chine a une population de plus d'un milliard d'habitants, c'est également un pays qui « régule » avec une main de fer « ses » naissances. Alors qui viendra se parquer dans ces quartiers-villes ? Les vendeurs de boules vapeur ? Les bouchers ? Les « tofutiers » ? Je ne crois pas. Eux, il faut aller les chercher juste à gauche, entre les deux grands axes routiers qui traversent l'agglomération. Là, vous quittez le tumulte du trafic pour trouver les odeurs du marché. Fruits, viandes, légumes, viandes, tofus, viandes, voilà quelques exemples des étals, fourgonnettes, charrettes, tricycles que l'on trouve dans un tel endroit. Si l'on y achète généralement pour emporter, grand nombre de marchands proposent une petite table pour consommer sur place. Le marché chinois n'est pas un lieu de passage, mais un lieu de vie. Si l'on ose s'y perdre, on y découvrira des badauds jouant à de drôles de jeux de société ou l’on assistera à une partie de badminton que se disputent deux vendeurs de cellulaires. Ici, pas de tabous ! La mini-jupe se porte court, à mon plus grand plaisir. On chante en attendant le client, on rigole, on s'amuse. Et cela de deux à nonante-neuf ans. Les tout petits ont une mode des plus particulières. Leurs pantalons sont fendus au niveau du postérieur et ils ne portent pas de culotte. La journée se déroule donc au gré de dizaines de petits popotins tout fripés. Et quand je dis nonante-neuf ans, c'est le matin qu'on peut les rencontrer. Retournez dans ce joli parc de tout à l'heure. Là, vous y trouverez des dizaines et des dizaines de personnes plus toutes jeunes, armées de sabres, de lances, de chaînes ou de bâtons de bambou. Une véritable armée, à faire cauchemarder le Grand Khan, effectuant des gestes complexes et ordonnés, effectuant leur taï chi. Si le matin, ce sont les « cheveux blancs » qui occupent la place, le soir, ce sont leurs enfants qui prennent la relève. Leçon de danse : formant un grand cercle, les curieux peuvent observer des couples qui se font et se défont au gré des musiques. Et si le cœur vous en dit, trouvez une cavalière et lancez-vous. Ici on ne juge pas, on n'impose pas un style. Ici on s'amuse, on se détend à la fraîcheur du crépuscule. Mais où sont les jeunes, ceux qui arborent des coupes de cheveux à la Tokio Hotel ? Ceux qui portent des T-shirts aux slogans anglophones ou de la marque Paris. Eux, c'est dans les coins sombres qu'on les retrouve. Tu passes une porte, descends un escalier étroit, longes un long couloir et tu arrives dans une grande salle. C'est là qu'ils se cachent, plantés devant des centaines d'ordinateurs, à disputer des parties interminables. Le cybercafé, s'il a rendu l'âme sous nos latitudes, vit son âge d'or dans le pays du Milieu. Tant de différences et autant de similitudes. C'est qu'ils nous ont bluffés les Chinois ! Là où nous pensions nous retrouver étouffés par la foule, c'est une place aérée où l'on fait voler des cerfs-volants que l'on nous a proposé. Là où nous ne pensions pouvoir communiquer, c'est une véritable partie de Pictionary qui a démarré. Là où nous redoutions l'oppression et la délation, c'est la clé du pays que l'on nous a offerte. OF 30.06.13


Nord de la Chine

Vestige dans une plaine du Xinjiang

Réparation de fortune dans un "arrêt" à camions

Warm-up d'entreprise

Temple bouddhiste de Wuweil

Des commerçants heureux de nous recevoir

Toute accalmie est bonne à prendre

Boules vapeur

Jeu d'adulte

Plaisir d'enfants

Fondue mongole

Village rural de Mongolie Intérieure

L'élevage, un métier des plus courants

De Wuwei à Hohhot

Wuwei, Wuwei, Wuwei... Ce nom résonne déjà dans le lointain. Pourtant, c'était il y a un mois. Déjà de nombreux souvenirs sont venus s'additionner à ceux de cette ville. Essayons de les dégager un peu et de remonter le temps. 
Nous quittons Wuwei l'esprit tranquille d'avoir pu organiser tout ce qui était nécessaire pour la suite de notre voyage. A peine le temps de se remettre en selle que déjà les tracas administratifs reprennent. Je réalise que sur la clé USB perdue ce matin en ville se trouve le scan de nos cartes de crédit. Autant dire que si la personne qui a ramassé la clé est un tant soit peu malintentionnée, elle va pouvoir s'offrir monts et merveilles aux frais de la princesse ! Nous voilà donc à nouveau en quête urgente d'Internet. Les employés d'une station-service se démèneront pour me dénicher un accès et, une fois de plus, j'en appelle à la serviabilité sans fin de notre préposé administratif en Suisse, mon père. Cette fois c'est bon, nous pouvons reprendre notre chemin, sereins. 
Wuwei marque la fin de la province du Gansu. Nous entrons ensuite dans celle du Ningxia où se déploie le fleuve Jaune, puis dans celle de la Mongolie-intérieure. La pluie des premiers jours nous force à adopter un nouveau type de terrain de camping : les dessous de ponts. Emplacements des plus stratégiques car ils nous épargnent les caprices du ciel, nous cachent des regards et sont rapidement accessibles depuis la route. Ce répit de fin de journée ne nous empêchera pas de chanter l'hymne à la joie une fois le soleil revenu en maître, après trois jours de grisaille et d'humidité.
Après la route de la soie, nous empruntons la route du charbon. S'il ne reste de la première que des récits antiques de caravanes, celle de la deuxième est bien actuelle. Un nombre incessant de camions nous dépassent, laissant derrière eux une traînée de poussière noire. La petite toilette quotidienne spartiate ne viendra pas à bout de la couche de saleté qui s'accumule jour après jour sur notre peau. Plus d'une quinzaine de jours nous séparent de Hohhot, prochaine ville-repos sur notre parcours. Jamais un tel objectif ne nous avait paru aussi loin. Le désir, puis la nécessité d'une douche chaude et décrassante s'intensifie de jour en jour. Pressés par ce besoin mais aussi par le devoir d'arriver à temps à Hohhot pour renouveler notre visa, nous alignons les journées à plus de 100 km. 
La province de Mongolie-intérieure nous offre quelques jours de répit dans le paysage industriel et urbain du Ningxia. Pour quelques jours du moins. Le temps d'apprécier les grandes étendues vertes qui se perdent à l'horizon, sans autre relief que celui de quelques maisons isolées ou d'un troupeau de moutons. C'est beau. Mais guère pratique pour camper. Une famille d'éleveurs nous aperçoit nous faufiler à travers champs à la recherche d'une quelconque bosse pour nous dissimuler. Elle nous propose plutôt de venir camper dans son domaine. Nous entrons ainsi dans l'intimité d'une chaumière et nous nous imprégnons d'un instant de vie d'une famille provinciale. Le père et la fille ont un faciès qui nous est familier alors que celui de la mère trahit ses ancêtres mongols. Le calendrier accroché au mur arbore quant à lui une langue jusqu'alors inconnue, pour nous encore plus abstraite que le chinois. Après un bol de céréales et yogourt, une intarissable tasse de thé salé et la visite d'amis de la famille, nous plantons notre tente sur le terrain de jeux nocturnes des moutons et des chèvres. Le jour suivant, c'est dans le studio d'un jeune couple que nous sommes invités à prendre le repas. Ou plutôt à poursuivre le repas puisqu'ils nous ont d'abord invités à manger des momos au restaurant du village. Leur nid se résume à un lit, une bouilloire, un robinet, un ensemble table-et-chaises miniature, un frigo et quelques affaires posées sur un sommier. Ni douche, ni toilettes, ni cuisine. Bai Ling, la femme, ne travaille pas; le mari est mineur. Ils nous reçoivent comme des rois et Bai Ling nous écrit une lettre en chinois que nous conservons précieusement. Le mystère de son message restera complet tant que nous n'aurons pas trouvé de traducteur.          
Après avoir quitté les infinies plaines vertes pour renouer avec les grandes villes industrielles et les champs cultivés, nous atteignons enfin Hohhot. AG 21.06.13

Le fleuve jaune