Une journée de vélo nous amène à la frontière
arménienne. Découverte de la formule visa-au-poste-frontière : rapide et
facile. Notre première impression de l’Arménie est à l'image de son paysage du
Nord : glauque. Flanquées dans un canyon, ce ne sont pas tant les belles églises
mentionnées dans notre guide que les constructions de l'ère soviétique en
lambeaux qui nous frappent. La couleur ici est l'orange. La rouille a pris
possession de tout : bâtiments, voitures, maisons... Il y a bien
l'invitation, de la part de deux restaurateurs
d'églises, à partager un repas dans une
roulotte de chantier qui donne une lueur de gaieté à cette morosité. Tout comme
l'hospitalité des responsables du camp de vacances pour enfants de Gukark. Pour
la petite histoire, nous sommes arrivés dans ce centre sur un malentendu.
Trop heureux de lire « Camp » sur une pancarte au bord de la
route, nous pensions trouver un camping au bout du chemin. Des cyclistes tchèques,
allemands et polonais avaient fait de même avant nous. On comprend alors mieux
pourquoi les responsables nous accueillent avec un grand sourire, comme s'ils
nous attendaient. Des rencontres moins heureuses ont ensuite vite fait de redonner
un coup à notre motivation. Il y a aussi le mariage, en Suisse, d’Emilie et
Damien qui nous fait sentir à quel point nous sommes loin des gens qui nous
sont chers. Et puis la pluie ! Nous nous prenons même à rêver d'être dans un
bain chaud tout en mangeant une pizza et en regardant un film.
Puis, avec l'arrivée des montagnes et
du lac Sevan perché à 1’900 mètres, le moral reprend de l'altitude. Quel
bienfait de retrouver dans le paysage une telle étendue d'eau ! Et qui dit bord
du lac, dit route plate. Puis les montagnes à nouveau. C'est perdus en
pleine nature, alors que nous ne pensions plus croiser âme qui vive, que deux
jeunes gens courent vers nous pour nous inviter à nous abriter chez eux – et bien
oui, il pleut encore. Chez eux, c'est un une pièce jouxtant une étable.
La grand-maman, restée à l'abri, nous accueille avec un large sourire. Une
vraie babushka avec sa robe longue,
ses bas trop grands, son fichu sur la tête et son nez crochu. Vu le nombre de
lits dans la pièce, nous comprenons bien vite que les parents ne sont plus
là. En plus des lits se trouvent un poêle, un seau contenant de l'eau, un autre
de la vaisselle et un troisième du fromage. A côté du poêle, une bassine récolte
les gouttes d’eau qui filtrent par la lucarne. Des petites cailles couratent partout. Et
c'est tout. Et le frigo, il est où ? Et les tapis pour tenir chaud ? Mais
alors, comment font-ils pour cuisiner ? Il doit bien y avoir au moins une
lampe, non ? Comment ça, pas de télévision ? Sacrée remise en
question de ce que l'on pourrait considérer comme indispensable à la
vie quotidienne. Le téléphone portable, par contre, ça ils l'ont. Et
de la chaleur, qu'ils nous donnent à gogo. Chaleur du poêle, chaleur du café,
chaleur de leur accueil si naturel. Petit aparté pour nos grands-mamans :
la babushka
vous a trouvées très belles sur nos photos de Noël. Après un repas composé
de lavash et de fromage confectionnés par la grand-mère, la pluie cesse
et nous reprenons la route. L'énergie est à nouveau là.
Le lendemain, un temps dégagé nous dévoile toute la beauté du paysage.
Nous nous croirions presque dans les steppes d'Asie centrale. Un détour de
quelques kilomètres et un col supplémentaire nous offrent un moment d'intense émotion :
devant nous, au loin, le mont Ararat, coiffé de son chapeau de neiges
éternelles. Un autre détour et la traversée d'un canyon - dans sa largeur - et nous arrivons au monastère de
Tatev où se trouve la plus vieille université du monde. Pour faire dans
les records, un téléphérique, classé au Guiness
book pour
sa longueur de câble entre pylônes, dessert le site. Transport que nous
empruntons pour rebrousser chemin : douze minutes de trajet contre la journée
de transpiration réalisée à l’aller.
Ces derniers temps, les jours se suivent et se
ressemblent. Réveil sous la pluie, envie de se blottir dans son sac de couchage
pour le reste de la journée, mise en route néanmoins, clémence en milieu
de journée, retour de la pluie dans l'après-midi... Les montées n'en finissent
plus, il faut choisir entre être trempés par la pluie ou par sa propre transpiration
retenue par nos vestes de pluie... A ce qu'il paraît, une grande partie de
l'Iran est aride presque 365 jours par an...
L'Iran, c'est pour bientôt. AG 10.09.12
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