Notre tour du massif de l’Annapurna débute et se termine pour nous à Katmandou.
De là, nous sommes partis avec un but ; à cet endroit même, nous revenons
riches d'une magnifique aventure.
A vrai dire, je ne sais comment aborder ce récit. Opter pour le style télégraphique
et la simplicité des statistiques ? Adopter la poésie pour faire honneur à la majesté
des montagnes ? Ou simplement la narration pour faire état des nombreux événements
qui ont formé cette riche expérience ? Je ne sais que trop. Bon, alors allons-y
sans trop réfléchir, prenons les mots comme ils viennent et essayons de vous
faire vivre un bout de notre aventure !
Nous partons légers, le strict nécessaire a été sélectionné et nos
sacoches troquées contre deux sacs à dos. Peut-être 20 kilos chacun. Nous débutons
par deux jours et demi de route nationale, juste de quoi nous rendre encore
plus impatients de nous retrouver dans les montagnes. A Besi Sahar, plus aucun
doute, l'aventure commence et la route goudronnée se termine. Jusqu'à Manang,
nous profiterons de la piste empruntée par les jeeps, les motos, les caravanes
d'ânes et les porteurs dont les chargements dépassent notre entendement.
« C'est ENOOOOOOORME ! » Voilà la phrase qui a jailli de nos
bouches si souvent. D'accord, il y a bien des mots plus nobles pour
qualifier la montagne. Pourtant, « énorme », « monstrueux »,
« fou », « majestueux » sont ceux que nos coeurs ont lâchés.
Nous avançons tête baissée, concentrés sur le terrain irrégulier puis nous
levons distraitement les yeux un instant, et là, soudain, un dôme enneigé nous
domine. « Wouah, c'est énorme ! » Et il n'y a rien d'autre à
dire. Durant tout le trajet, les montagnes nous auront fait vibrer et nous
sentir tout petits. De jour en jour, notre duo devient trio, quatuor, puis
finalement septuor. D'abord Magdeleine, voisine de chambre à Katmandou, retrouvée
par hasard sur le chemin, puis Jonathan, Clémentine, François et Marine, eux
aussi en vadrouille autour du monde. La journée, nos chemins se séparent. Le
soir, nous nous retrouvons autour du poêle chaud. Avec l'altitude, nos critères
de sélection de logement ont muté. Nous avons laissé tomber la douche (chaude
ou froide... de toute manière trop froide) au profit du fire place et du prix du dal bhat (plat
traditionnel... et unique plat pour beaucoup de Népalais). Tout comme nous, les
prix montent. La raison invoquée par les commerçants : la difficulté
d'approvisionnement. Nous y rajouterons l'attrait touristique. Nous bouderons à
deux reprises les lodges au profit de la tente. Non pour des raisons financières
mais pour le plaisir de camper dans cette nature et de se réveiller, à plus de
3’390 mètres d’altitude, recouverts d'une mince couche de givre. Après neuf
jours et 3’140 mètres de dénivelé positif où l'on alterne pédalage et poussée,
nous arrivons à Manang, dernier réel village avant le col. Ici, nous pouvons
lire sur le visage de la plupart des trekkeurs : va-t-on y arriver ? Car la
condition physique n'est pas le seul facteur déterminant. Il y a surtout
l'altitude. Personne ne peut savoir à l'avance s'il sera sujet ou non au mal
aigu des montagnes. Néanmoins. Une règle d'or n'est pas toujours respectée :
prendre le temps. Ne pas dormir à plus de 500 mètres plus haut que la nuit précédente,
donner à son corps le temps de s'acclimater... Nous, ça tombe bien, du temps,
on en a ! Depuis Manang, notre petite équipe s'offrira trois jours d'extras
pour grimper au Tilicho Lake, soit-disant le plus haut lac du monde. Trois
jours où nous revêtons le profil du trekkeur : sac au dos et sans vélo. Ce lac
nous offrira bien des surprises. Outre le fait qu'il se cache sous un épais
manteau blanc, nous réalisons que nous avons passé pour la première fois la
barre des 5’000 mètres.
Après ces quelques jours où nous avons partagé efforts physiques, soirées
chaleureuses, rires et dal bhat, nous nous séparons des Français. Ils attaquent
directement le col alors que nous redescendons à Manang chercher nos vélos. A
partir de là, la piste laisse place au sentier de trek. A partir de là, nous
savons que nous devrons porter les vélos. A partir de là, une légère appréhension
nous saisit.
Le premier jour nous réserve une succession de marches. Pas un problème
pour Olivier qui empoigne son vélo, puis le mien, sur son épaule. Le soir, il
neige à gros flocons; allez, et une couche de plus pour le col ! Le deuxième
jour, ça se corse. Une rude montée qui nous contraint à faire des allers et retours
entre sacs à dos et vélos. Et même ainsi, la montée est pénible. C'est que le
souffle se fait court. Des pauses régulières sont nécessaires pour respirer
profondément et faire redescendre le rythme cardiaque. Ensuite du plat,
chouette ! Sauf que ce plat est une zone de glissements de terrain et que le
sentier est devenu un mince filet se tortillant dans une mare de cailloux
instables. Euh, et le vélo, on le met où ? De l'autre côté, on souffle, ça a
passé. Arrivés à la lodge de Thorung Phedi, à 4’450 mètres, la journée
n'est pas encore terminée. Il nous faut encore monter les vélos au High Camp.
Pas loin, deux kilomètres ! Mais 550 mètres de dénivelé. Et là, nous le
savons, monter avec les vélos chargés serait impossible. Même avec les vélos « vides »,
l'effort est intense. Un lacet, une pause. Un lacet, une pause. Puis le mauvais
temps - la neige, tiens ! - nous forcera à abandonner nos montures sous un
rocher et à redescendre. A cette altitude, nous commençons à avoir des troubles
du sommeil ; Olivier fait de l'apnée. Bon, sur le nombre d'heures passées au
lit, le quota de repos est néanmoins atteint. Le lendemain, nous montons au High Camp
(4’830 mètres) avec les sacs à dos et redescendons chercher nos vélos là où
nous les avions laissés la veille. Après avoir acheminé tout notre équipement
au High Camp,
pas de répit. Le plus dur reste à venir. Quatre heures de montée supplémentaire
pour amener nos vélos au col. Quatre heures d'effort intense. Chaque mètre sollicite
tout notre corps, l'effort me prend aux tripes, le coeur bat dans mon estomac.
De la neige sur la presque totalité du parcours. Un chemin qui parfois laisse à
peine l'espace pour nos pas. Le vélo se réfugie alors sur notre épaule. Fidèle à
lui-même, Olivier vient rechercher mon vélo dans les passages critiques et me « récupérer »
lorsque je glisse dans le ravin. Puis je commence à trouver mon rythme : ça
sera une valse à quatre temps. Un, deux : je pousse mon vélo en avant et bloque
les freins. Trois, quatre : j'avance un pied puis l'autre. Ainsi je chemine,
certes pas très vite, mais en réduisant l'essoufflement. Finalement, après de
nombreux pas de danse, nous y arrivons ! Victoire que partielle car demain il
nous faudra recommencer ! Nous engloutissons la descente et en une heure vingt,
nous rejoignons, lessivés, le High Camp. Après un copieux dal bhat dans une
salle bondée de trekkeurs impatients de franchir le cap et une nuit réparatrice,
nous entamons notre deuxième ascension du col. Avec les sacs à dos. Egalement
quatre heures. Egalement intenses. Et enfin ça y est ! Nous sommes là, à 5’416
mètres (5’417 probablement vu la neige), entourés d'un cirque montagneux s’étendant
sur 360 degrés. A peine le temps de dire ouf, de faire quelques photos, que déjà
nous comprenons que la tâche est loin d'être terminée. La descente. Et bien, à
vrai dire, tout compte fait, je préférais la montée. Un toboggan blanc naturel
dans un environnement escarpé... ça donne quelques crispations. Olivier surfe
avec son vélo, moi je plante méticuleusement un pied après l'autre dans la
haute neige pour sécuriser la marche. Quel bonheur de retrouver la boue et le
pas assuré ! Dernière surprise de la journée : nous retrouvons, assis sur la
terrasse d'une lodge
au pied du col, Stefan et Petra, notre couple
germano-suisse-allemand rencontré au début du Népal.
Avec l'arrivée à Muktinath, le décor change. Nous avons droit à un échantillon
de ce qu'offre probablement le Tibet ou le Haut Mustang. Somptueux. Je cherche
les mots pour vous le décrire mais ne les trouve pas. Je dirais aridité, brun,
arbres dignes d'un Tim Burton, plaines désertiques.
La descente jusqu'à Pokhara nous prendra cinq jours. Finalement pas
aussi drôle que ça, la descente ! Nous avons un vent de face dont les pointes
s'élèvent à 65 km/h. et la route est criblée de trous et de cailloux. Tant et
si bien que nous sommes rivés sur nos freins tout du long. A Pokhara, le temps
de la détente n'est pas encore venu. Nous la réservons pour Katmandou. Mais
nous renouons avec les prix normaux et la diversité culinaire, pour notre plus
grand plaisir. Nous adoptons également tous les deux un nouveau look. L'un grâce
à quelques habiles coups de ciseaux, l'autre à cause d'un torticolis. Pour
rejoindre Katmandou, nous nous résolvons à prendre le bus ; faire une troisième
fois la route nationale ne nous émoustille guère. Huit heures de bus : grande
première pour nous et nos vélos. A Katmandou, nous retrouvons notre guest-house
et le reste de nos affaires. Nous sommes de retour « chez nous ». Le
temps du repos est venu. Ou presque.AG 17.04.13
Salut vous 2!
RépondreSupprimerVoilà plus d'une année que vous pédalez sur les chemins à travers le monde et que j'ai plaisir de suivre vos aventures.
Ce que vous faites est énorme!
Je vous souhaite une excellente continuation et espère que ce rêve se prolongera autant que possible!
Vincent