De Pisiga à Copacabana
EN CHIFFRES
Distance : 635 kilomètres
Température la nuit : -7 à -10 °C.
Bouteilles de champagne intactes trouvées sur la route
: 3
Vent : pointes à 64 km/h.
Altitude moyenne : 3800 mètres
Crevaison : 0
Prix d'un repas complet (soupe + plat principal) :
1,30 CHF
Prix d'un espresso à Copacabana : 1,10 CHF
Cyclo-voyageurs croisés sur la route Oruro-Copacabana
: 16
Douches : 2
EN INSTANTS DE VIE
Lorsque la route se
fait piste
ça secoue dans tous les sens, surtout celui de haut en
bas, celui qui fait vibrer le corps dans son entier. Amusant les premiers
instants, je me prends pour un cocktail dans le shaker d'un barman
enthousiaste. Mais rapidement mes douleurs aux côtes (probablement une lésion
due aux efforts des jours précédents), savamment maîtrisées jusqu'alors, se réveillent
et les vibrations se transforment en reines du sadisme. C'est ensuite au tour
des poumons de réclamer justice. Car si la piste est faite de nids de poules,
de pierres et de tôle ondulée, elle est aussi recouverte d'une fine poussière
ocre et de sable. Un deux roues, lorsqu'il ne se plante pas dans un banc de
sable enlisant, en ressort sans trop de dégât. Un semi-remorque, par contre...
Oh! lui s'en sort, soyez rassurés ! Mais c'est nous qui trinquons ; et le
verre est cher payé. Un camion arrive en face, je prends mon souffle, bloque ma
respiration, prie pour qu'il n'y en ait pas un deuxième juste derrière, ferme
les yeux, pénètre le nuage épais et noir qui envahit l'espace, entrouvre l'oeil
droit pour évaluer la situation, le referme car ce n'est pas fini, relâche ma
respiration car je n'y tiens plus, ouvre les yeux, ça y est c'est terminé. Ou
presque. Reste juste à réoxygéner mes poumons agonisants et à reprendre mon
souffle, déjà si pénible à cette altitude. Et dire que les premiers kilomètres
de piste nous avaient entraînés dans l'excitation de l'aventure. OK, dame
aventure, je capitule, temps mort s'il te plaît. Redonne-nous quelques kilomètres
de route bétonnée, que je retrouve mon souffle et mes nerfs. Ensuite on verra.
Un déjeuner au
marché d'Oruro
Il est 7h30. Nous
entrons une dernière fois dans le marché pour y déjeuner avant de reprendre la
route. Un pied dans l'arène et les femmes crient toutes en même temps « Venez
ici ! Asseyez-vous ! Venez ici ! Il y a de la place ! Là ! » On s'assied
rapidement pour que le vacarme cesse et que la pression retombe. « Deux
apis s’il vous plaît. » L'api, c'est la boisson traditionnelle bolivienne
du matin. Dans un grand verre transparent, une femme verse une louche d'un
liquide épais et jaune, puis une autre d'un liquide violet. Tous deux sont
faits à partir de maïs, jaune et violet, le dernier étant épicé de cannelle et
de clous de girofle. C'est brûlant, c'est doux, c'est sucré. Une véritable
caresse par temps froid, aussi douce et bienveillante que celle d'une mère pour
son enfant encore endormi. Assis sur notre petit banc, adossés au mur, la vie
matinale de ce marché devient un spectacle aussi savoureux que notre boisson.
Les mamitas,
qui servent toutes la même chose, se dressent sur des escabeaux en bois derrière
leurs casseroles. Elles sont regroupées en un même lieu et entourées par les
clients qui leur font face. Difficile de définir le territoire de chacune ; le
savent-elles elles-mêmes ? Avec son long tablier blanc qui protège sa jupe et
son chemisier bleu, son surpoids et ses joues rosées par la vapeur de ses
casseroles, ses courtes boucles brunes et ses lunettes, notre mamita
ferait une véritable Maïté. Une jeune fille la seconde, amène les commandes et
nettoie les tables. Deux policiers arrivent pour prendre à leur tour leur
petit-déjeuner. Les cris des mamitas reprennent de plus belle, les décibels
explosent. Elles ne lâchent le morceau que lorsque ces clients de marque ont
choisi leur place. Ouf, c'est chose faite. A notre tour de nous lever et de
quitter la scène, en silence cette fois.
Dîner à Calamarca
Calamarca, un petit
village sur la route de la Paz. Une magnifique église qui nous attire au coeur
du village, mais que l'on ne pourra apprécier que de l'extérieur. Puisqu'il est
l'heure de dîner, nous profitons de ce lieu pour manger au « restaurant ».
Un lieu au charme des plus exquis. La rue sert de décor. Deux petits bancs en
bois et le trottoir font office de sièges. La cuisine se résume en une petite
charrette ambulante. Cette dernière est recouverte de draps colorés, si bien
que l'on ne peut deviner ce que la restauratrice propose. C'est pourquoi de
nombreuses personnes viennent vers elle et lui posent la question « Qué hay ? »
Trois plats à choix : la fricassée, le plat de pâtes et le plat de pommes de terre.
Ce n'est plus Maïté, mais Mary Popins qui s'active devant nous ! Telle une
magicienne, la femme extrait de sa charrette un nombre incalculable de platées.
Nous, nous avons opté pour la fricassée. La femme prend une assiette creuse
dans le bac à vaisselle, attrape de sous les couvertures une poignée de grains
de maïs, une poignée de pommes de terre, ajoute avec une cuillère un morceau de
poulet et arrose le tout de bouillon. Et ô miracle ! c'est chaud ! Le
restaurant a du succès. Et lorsque l'on part, les casseroles sans fond de la
charrette continuent à ravir mystérieusement ses clients.
Le lac Titicaca
Voilà un an et demi
que nous parcourons la terre. Comme un cadeau d'anniversaire, c'est le lac
Titicaca qui s'offre à nous pour cette journée particulière. A l'horizon en début
de journée, nous flirtons avec ses rivages l'après-midi, puis le surplombons le
soir. Par chance, nous trouvons un terrain plat au milieu des pentes escarpées
où notre route de terre sillonne. Une véritable terrasse inattendue, ajustée à
la taille de notre tente. Le bleu intense du lac nous submerge ; du haut de nos
cailloux, nous pourrions y plonger. Au loin se dressent la chaîne de la Cordillère
Royale et ses sommets enneigés. Sur la rive en contre-bas, San Pablo de Tiquina
et San Pedro de Tiquina : deux villages qui se font face, séparés par 500 mètres
d'eau. Les vieilles barques en bois terminent leur journée de travail et
transportent les derniers véhicules (voitures, cars ou camions) d'une rive à
l'autre. Elles sont l'unique moyen de relier La Paz à Copacabana. Déjà le
soleil se meurt derrière les collines et les quelques chaumières des villages
jumeaux s'allument, désormais seule présence de l'homme dans cette immensité
sereine et enivrante.AG 09.10.13
Apéro des un an et demi |
L'église de Caripaya
Une ligne qui serpente,
c'est notre route qui traverse la pampa. Ici tout manque, à commencer par
l'oxygène. Gentiment on s'habitue au rien, on fait de l'absence son
environnement, sa maison d'un temps. De l'aube au crépuscule, une même
luminosité nous brûle les yeux, nous forçant à nous réfugier derrière nos
lunettes aux verres teintés. Notre peau se tanne et se dessèche, mimant cette
terre qui nous entoure. Là, quelque chose ! Quel bonheur, un village se dessine
à l'horizon. D'abord quelques maisons, puis un bloc sombre d'une taille peu
commune pour ces plateaux d'altitude. Coup de pédale après coup de pédale,
cette masse grandit, s'allonge tout en affinant ses traits. Deux coupoles se dévoilent
à l'ombre d'un clocher. L'endroit nous intrigue. On ne peut le laisser
rejoindre notre passé, sans s'y intéresser ne serait-ce qu'un instant. Il faut
que l'on voie, que l'on comprenne la présence de cet édifice au milieu de ce
grand rien. En s'approchant, on se rend vite compte que nos questions resteront
sans réponse. Ici, il n'y a pas âme qui vive. Ici, nous entrons dans un de ces
villages fantômes, que la vie a abandonnés il y a bien des années. Dommage,
mais poussons jusqu'à l'église, ne serait-ce que pour la beauté du lieu.
Magnifique, une grande cour affublée de quatre petites bâtisses encercle la
maison de Dieu. Les bâtiments sont construits en pierre de taille et les toits
sont faits de tuiles en terre cuite. Un véritable bijou que notre guide papier
n'a pas semblé bon de recenser. Le clocher est curieusement posé à côté de l'édifice
et le temps, comme toujours, a su donner sa touche personnelle au lieu. Une pincée
d'authenticité et un soupçon de vécu. Une grande porte en bois massif bardée
d'un gros cadenas rouillé obstrue l'entrée. Cela ne nous décourage pas. A défaut
d'avoir la clé, nous avons du temps. Le temps de s'approprier les lieux et de
peut-être dénicher une entrée secondaire. La première tentative est un échec.
L'escalier extérieur qui donne accès à une petite porte à mi-hauteur de l'édifice
ne nous dévoilera que le triste tableau d'un vieil orgue poussiéreux aux tubes
défoncés. La seconde sera la bonne. Là, dans l'ombre d'un contrefort, une
petite porte semble ouverte. Entrons ! Quittant la lumière du jour, nous pénétrons
dans une minuscule antichambre où divers objets traînent au sol. Chandeliers,
chaises cassées, petite table branlante, se partagent le peu de place que d'épais
murs recouverts de chaux tachée leur laisse. Là, une seconde porte nous révèle
la pièce maîtresse du saint lieu. Obscure, seuls quelques rayons de soleil
filtrent au travers de la porte d'entrée. L'ambiance qui se dégage de cette pièce
est étrange, presque malsaine. D'immenses rondins bloquent la porte, rendant la
pièce encore plus mystérieuse. Petit à petit, mes yeux s'habituent à cette
obscurité, me révélant une scène peu commune. Face à moi, un fronton d'où des
angelots me contemplent. A leur côté, une vierge décapitée. Reculant d'un pas,
je bouscule un bougeoir en fer forgé, auquel des dizaines de crucifix ont
remplacé les coutumières bougies. Tout est sale. Des objets de culte jonchent
le sol et l'autel qui me font face. Mais que s'est-il passé ici ? « Olivier,
viens voir ! » C'est la voix d'Aline qui résonne du fond d'un couloir. Je
me hâte. Quel mystère cette église recèle-t-elle encore ? Derrière le lieu de
culte, une petite pièce des plus poussiéreuses. Assurément l'endroit
qu'utilisaient le curé et ses servants de messe pour se préparer. Là, le
spectacle me laisse sans voix. Je ne peux comprendre le sens de cette mise en
scène. Le bâtiment a sans nul doute plusieurs siècles et n'a plus été utilisé
depuis de nombreuses années. Mais dans cette arrière-salle dont les volets sont
maintenus fermés par des poutrelles, des guirlandes d'anniversaire
sont accrochées aux murs. Le lieu donne l'impression d'avoir été quitté à la hâte,
comme si quelque chose ou quelqu'un l'avait forcé. Aline en a assez vu, elle
regagne le soleil qui semble aujourd'hui si sécurisant. Je dois
comprendre ! Je ne peux quitter ce temple sans avoir ne serait-ce qu'une
once de compréhension supplémentaire. Je ne sais trop comment, je me retrouve
devant l'autel. Mes yeux glissent de la vierge sans tête aux crucifix de bois.
Tout retournera à la poussière nous disent les évangiles... Il y a quelque
chose qui cloche, quelque chose qui me demande de rester, mais quoi ? Un
frisson me parcourt l'échine et un sentiment étrange me gagne. J'ai
l'impression que les murs veulent me parler, se décharger d'un poids qu'ils
portent depuis trop longtemps. Mes yeux se fixent, attirés par ce qui me dérangeait,
il y a quelques minutes déjà. Sur l'autel, se trouvent quatre gobelets en
plastique. Ces mêmes gobelets que l'on trouve aux fêtes foraines ou aux
anniversaires. Mais ceux-là semblent étrangement attirer les mouches. Je
m'approche. Puis repoussé par le spectacle, je recule. Un liquide rougeâtre
goge à l'intérieur des récipients. Du sang ? Et là, ce n'est pas possible : un
bouquet de fleurs fraîches. Plus j'observe et plus j’aperçois d'objets qui me
laissent à penser que ce lieu macabre, ce lieu qui ne m'inspire que de la peur,
est encore utilisé. Mais qui peut-on adorer dans le noir, dans une telle saleté.
Quel dieu exige la décapitation d'une Sainte fixée à plus de cinq mètres du
sol ? A qui offre-t-on du sang en signe de soumission ? L'église comporte
une dernière pièce. Je n'aurai pas le courage d'aller voir. Si ce lieu cache un
secret, je ne me sens pas de taille à le découvrir. Il y a peut-être des choses
qu'il vaut mieux ne pas comprendre ! Je ressors et reçois le soleil comme
une délivrance. J'en ai assez vu. Et tout comme Aline, je me sens vidé de mon énergie.
En partant, mon attention est retenue par un dernier détail. Une guirlande de
crucifix, composée de brindilles de végétaux, est fixée à la porte en bois
massif, juste au dessus du gros cadenas rouillé. Je ne l'avais pas remarquée en
arrivant...
OF 29.09.13De Iquique à Pisiga
Le 21 septembre
2013, c'est finalement le Chili qui nous ouvre ses portes. Il aura fallu à
peine quelques minutes pour obtenir le tampon d'entrée et ceci à bord même du
bateau. Au petit matin, deux employés de la douane viennent nous chercher pour
nous mener en ville et nous accueillent à bras ouverts. Ce sera bien la première
fois que nous faisons la bise à des douaniers ! Ainsi, non sans une pointe de
nostalgie, nous quittons La Traviata et son équipage. Une page de notre voyage
se tourne, une nouvelle ne demande qu'à être griffonnée. Et c'est à l'encre de
nos efforts que nous écrivons ce nouveau chapitre.
Notre premier objectif est de
rejoindre Colchane, village frontière d'avec la Bolivie. On le sait, ça va
monter, puisque l'on part de l'altitude 0 pour atteindre 3’750 mètres. Et
encore, c'est ce que l'on croyait...
Les premiers kilomètres nous font vite
prendre de l'altitude et les montagnes dorées du désert d'Atacama remplacent
rapidement le bleu de l'océan. En quelques heures nous voilà dans un nouvel
univers. ça y est, l'aventure
reprend ! Nous campons au milieu de cette étendue calme. C'est alors que je réalise
à quel point le silence m'avait manqué. A bord du navire, même au milieu du
Pacifique, il y avait toujours un bruit : celui de la machinerie, de la
climatisation ou encore du vent.
Au deuxième jour nous atteignons la Panamericana,
que nous suivons jusqu'à Huara. Là, nous faisons le plein en eau chez les carabiñeros
et achetons du thon et des pâtes dans une minuscule échoppe. D'après les
informations récoltées, notre prochain lieu de ravitaillement serait à 70 km.
de Huara et se percherait à 3’300 mètres d'altitude.
Ainsi nous entamons la réelle
ascension des Andes.
La route chilienne, comme bien
d'autres d'ailleurs, est une réelle mine d'or. Tout d'abord elle permet d'étudier
la consommation des locaux grâce aux nombreux déchets qui la jalonnent. Elle
informe aussi sur les rencontres potentielles, comme ce scorpion écrasé qui gît
à nos pieds. Si l'on a l'œil aguerri, la route nous offre également de quoi regarnir
son crapaud et même des paires de chaussures pour qui en a besoin. Mais la
route, c'est aussi une sacrée coquine. Jamais elle ne se laisse prévoir, ne se
dévoile que partiellement et aime à surprendre.
Le troisième jour, nous roulons huit
heures et demie et finissons la journée sur les rotules. Un coup d'œil à
l'altimètre : nous venons de grimper quelques 1’800 mètres de dénivelé et nous
voilà à 3’125 mètres. A l'ombre d'une pelleteuse et de cactus, nous dévorons
notre couscous-thon comme s'il s'agissait d'un repas de fête. Certes, il n'y a
ni plateau de fromages ni vin rouge, mais Dieu que c'est bon !
Au quatrième jour, nous n'y comprenons
plus rien. On ne cesse de monter alors que Chusmiza, le village-ravitaillement,
devrait être à 3’300 mètres. Et puis le voilà : tout en bas dans une vallée.
On ne peut s'empêcher de penser : quel gâchis ! Nous descendons donc au village
et faisons le plein en eau et en nourriture pour trois jours d'autonomie.
Colchane n'est qu'à 90 km. mais nous savons ô combien notre vitesse peut varier
en fonction de nombreux facteurs. Ainsi, nous repartons avec 26,5 litres d'eau,
des spaghettis, des boîtes de thon et des biscuits. Est-ce le poids de mon vélo
ou l'altitude ? Je n'avance plus ! Même pousser le vélo est éreintant. Le
souffle se fait court, le rythme cardiaque augmente. C'est rude, c'est pénible,
c'est dur, c'est épuisant, c'est... On espère incessamment que le sommet de la
montée cache une descente. Mais la plupart du temps, c'est une nouvelle montée
qui se dessine sous nos yeux. Ou une cuvette : l'éloge de comment descendre
pour mieux remonter. Tant et si bien que nous atteignons les 4’360 mètres
! Comme pour se faire pardonner, la route nous offre un panorama grandiose. De
l'ordre de l'irréel ; ce que l'on voit ne se rattache à aucun paysage de notre
boîte à souvenirs. Mais la beauté ne fait pas tout ! Il nous faut trouver un
lieu pour camper, car nos muscles sont cuits. Ce soir, nous dormirons à 4’300 mètres.
Le mal de tête commence à prendre ses aises chez Olivier. Nous restons alertes
car à cette altitude personne n'est à l'abri du mal aigu des montagnes. Alors
nous nous endormons, ou du moins nous tentons, en réfléchissant chacun de son côté
au plan de secours à adopter en cas d'aggravation. Au matin, le mal de tête
nous a gagnés tous les deux, mais il reste gérable. Par contre, j'ai
l'impression d'être aussi fatiguée qu'au soir. Tout geste est pénible, j'agis
au ralenti. Néanmoins, nous reprenons la valse des montées et des cuvettes.
Devant chaque pente, l'unique objectif devient d'en atteindre le sommet. Et
puis, il y a les sous-objectifs. Bon, allez cocotte, va d'abord jusqu'aux gros
cailloux. Ok, maintenant tire jusqu'au panneau jaune, je t'octroie une pause là-bas.
Allez, cette fois, vas-y, encore quelques mètres et tu y es !
Au menu de midi : pâtes au thon. Sauf
qu'il faut cuire les pâtes. Sauf que nous sommes à plus de 4’000 mètres. Sauf
qu'à cette altitude, le réchaud peine encore plus que nous. Il ne nous offre
que quelques menus crachats qui finiront, avec beaucoup de patience, à rendre
nos pâtes très al
dente. Vu que le menu du soir est identique à celui de midi,
nous tentons la « précuisson » des pâtes en les faisant tremper tout
l'après-midi dans de l'eau. Qui sait... La suite de la journée nous offre une
route plus clémente et un décor de plus en plus magique. Nous campons à 3’800 mètres.
La technique des pâtes fonctionne, à condition de ne point être tatillon sur la
texture des spaghettis.
Au cinquième jour, je me réveille avec
un mal de tête, la bouche soudée et le visage gonflé, à peine de quoi ouvrir
les yeux. Tracas sanitaire moindre, comparé à celui qui aurait pu m'atteindre
quelques minutes plus tard. Car en roulant la tente, un scorpion surgit de
dessous la toile, à quelques centimètres de ma main. Si petit, mais si menaçant...
La route qui nous mène dans la plaine
de Colchane nous fait vite oublier tout tracas et récompense au centuple les
efforts des jours passés. Olivier ne cesse de s'arrêter pour prendre des photos
: « C'est pas possible comme c'est beau ! » Et il a tellement raison
! Des troupeaux de lamas multicolores, des plaines jaune-vert, des marécages
aux reflets intenses du ciel, des montagnes aux sommets saupoudrés de blanc...
Colchane, enfin nous voilà ! Pas pour longtemps, puisque nous filons tout droit
du côté bolivien de la frontière. La paperasserie douanière dure à peine dix
minutes. Je n'ai pas besoin de beaucoup insister pour obtenir nonante jours au
lieu des trente habituels. Un simple « nous sommes à vélo... » suffit.
De l'autre côté de la frontière, il y a Pisiga et sa file interminable de
camions qui patientent. Un village qui n'a de sens que grâce à la frontière. Au
bord de la route, de manière tout aussi officielle que surprenante, une dame
nous change notre argent chilien. Nous prenons une petite chambre dans l'un des alojamientos
du village et faisons nos premiers pas dans ce que certains nomment « le
Tibet de l'Amérique ». AG 26.09.13
Inscription à :
Articles (Atom)