Bolivia

L'altiplano

Une végétagtion attachante!

Déviation, mais pour où et sur combien de km?

Camping entre francophones

De l'asphalte, enfin!

Feu sur la pampa

Empanadas pour encas

Scène de vie

Jour de f'ête... encore!

De San Pedro à San Pablo

Lac Titicaca


De Pisiga à Copacabana


EN CHIFFRES
Distance : 635 kilomètres
Température la nuit : -7 à -10 °C.
Bouteilles de champagne intactes trouvées sur la route : 3
Vent : pointes à 64 km/h.
Altitude moyenne : 3800 mètres
Crevaison : 0
Prix d'un repas complet (soupe + plat principal) : 1,30 CHF
Prix d'un espresso à Copacabana : 1,10 CHF
Cyclo-voyageurs croisés sur la route Oruro-Copacabana : 16
Douches : 2

EN INSTANTS DE VIE
Lorsque la route se fait piste
ça secoue dans tous les sens, surtout celui de haut en bas, celui qui fait vibrer le corps dans son entier. Amusant les premiers instants, je me prends pour un cocktail dans le shaker d'un barman enthousiaste. Mais rapidement mes douleurs aux côtes (probablement une lésion due aux efforts des jours précédents), savamment maîtrisées jusqu'alors, se réveillent et les vibrations se transforment en reines du sadisme. C'est ensuite au tour des poumons de réclamer justice. Car si la piste est faite de nids de poules, de pierres et de tôle ondulée, elle est aussi recouverte d'une fine poussière ocre et de sable. Un deux roues, lorsqu'il ne se plante pas dans un banc de sable enlisant, en ressort sans trop de dégât. Un semi-remorque, par contre... Oh! lui s'en sort, soyez rassurés ! Mais c'est nous qui trinquons ; et le verre est cher payé. Un camion arrive en face, je prends mon souffle, bloque ma respiration, prie pour qu'il n'y en ait pas un deuxième juste derrière, ferme les yeux, pénètre le nuage épais et noir qui envahit l'espace, entrouvre l'oeil droit pour évaluer la situation, le referme car ce n'est pas fini, relâche ma respiration car je n'y tiens plus, ouvre les yeux, ça y est c'est terminé. Ou presque. Reste juste à réoxygéner mes poumons agonisants et à reprendre mon souffle, déjà si pénible à cette altitude. Et dire que les premiers kilomètres de piste nous avaient entraînés dans l'excitation de l'aventure. OK, dame aventure, je capitule, temps mort s'il te plaît. Redonne-nous quelques kilomètres de route bétonnée, que je retrouve mon souffle et mes nerfs. Ensuite on verra.

Un déjeuner au marché d'Oruro
Il est 7h30. Nous entrons une dernière fois dans le marché pour y déjeuner avant de reprendre la route. Un pied dans l'arène et les femmes crient toutes en même temps « Venez ici ! Asseyez-vous ! Venez ici ! Il y a de la place ! Là ! » On s'assied rapidement pour que le vacarme cesse et que la pression retombe. « Deux apis s’il vous plaît. » L'api, c'est la boisson traditionnelle bolivienne du matin. Dans un grand verre transparent, une femme verse une louche d'un liquide épais et jaune, puis une autre d'un liquide violet. Tous deux sont faits à partir de maïs, jaune et violet, le dernier étant épicé de cannelle et de clous de girofle. C'est brûlant, c'est doux, c'est sucré. Une véritable caresse par temps froid, aussi douce et bienveillante que celle d'une mère pour son enfant encore endormi. Assis sur notre petit banc, adossés au mur, la vie matinale de ce marché devient un spectacle aussi savoureux que notre boisson. Les mamitas, qui servent toutes la même chose, se dressent sur des escabeaux en bois derrière leurs casseroles. Elles sont regroupées en un même lieu et entourées par les clients qui leur font face. Difficile de définir le territoire de chacune ; le savent-elles elles-mêmes ? Avec son long tablier blanc qui protège sa jupe et son chemisier bleu, son surpoids et ses joues rosées par la vapeur de ses casseroles, ses courtes boucles brunes et ses lunettes, notre mamita ferait une véritable Maïté. Une jeune fille la seconde, amène les commandes et nettoie les tables. Deux policiers arrivent pour prendre à leur tour leur petit-déjeuner. Les cris des mamitas reprennent de plus belle, les décibels explosent. Elles ne lâchent le morceau que lorsque ces clients de marque ont choisi leur place. Ouf, c'est chose faite. A notre tour de nous lever et de quitter la scène, en silence cette fois.

Dîner à Calamarca
Calamarca, un petit village sur la route de la Paz. Une magnifique église qui nous attire au coeur du village, mais que l'on ne pourra apprécier que de l'extérieur. Puisqu'il est l'heure de dîner, nous profitons de ce lieu pour manger au « restaurant ». Un lieu au charme des plus exquis. La rue sert de décor. Deux petits bancs en bois et le trottoir font office de sièges. La cuisine se résume en une petite charrette ambulante. Cette dernière est recouverte de draps colorés, si bien que l'on ne peut deviner ce que la restauratrice propose. C'est pourquoi de nombreuses personnes viennent vers elle et lui posent la question « Qué hay ? » Trois plats à choix : la fricassée, le plat de pâtes et le plat de pommes de terre. Ce n'est plus Maïté, mais Mary Popins qui s'active devant nous ! Telle une magicienne, la femme extrait de sa charrette un nombre incalculable de platées. Nous, nous avons opté pour la fricassée. La femme prend une assiette creuse dans le bac à vaisselle, attrape de sous les couvertures une poignée de grains de maïs, une poignée de pommes de terre, ajoute avec une cuillère un morceau de poulet et arrose le tout de bouillon. Et ô miracle ! c'est chaud ! Le restaurant a du succès. Et lorsque l'on part, les casseroles sans fond de la charrette continuent à ravir mystérieusement ses clients.

Le lac Titicaca
Voilà un an et demi que nous parcourons la terre. Comme un cadeau d'anniversaire, c'est le lac Titicaca qui s'offre à nous pour cette journée particulière. A l'horizon en début de journée, nous flirtons avec ses rivages l'après-midi, puis le surplombons le soir. Par chance, nous trouvons un terrain plat au milieu des pentes escarpées où notre route de terre sillonne. Une véritable terrasse inattendue, ajustée à la taille de notre tente. Le bleu intense du lac nous submerge ; du haut de nos cailloux, nous pourrions y plonger. Au loin se dressent la chaîne de la Cordillère Royale et ses sommets enneigés. Sur la rive en contre-bas, San Pablo de Tiquina et San Pedro de Tiquina : deux villages qui se font face, séparés par 500 mètres d'eau. Les vieilles barques en bois terminent leur journée de travail et transportent les derniers véhicules (voitures, cars ou camions) d'une rive à l'autre. Elles sont l'unique moyen de relier La Paz à Copacabana. Déjà le soleil se meurt derrière les collines et les quelques chaumières des villages jumeaux s'allument, désormais seule présence de l'homme dans cette immensité sereine et enivrante.AG 09.10.13

Apéro des un an et demi

D'Atacama à l'Altiplano


Une route où l'on ne compte plus les morts

Up and down

Les places à l'ombre valent cher

Ici, même le décor coupe le souffle

Une nuit dans la pampa

le souffle court...

Volcan ou montagne, ont ne sait plus trop


Colchane, ville frontière avec la Bolivie

Pisiga, de l'autre côté de la frontière

L'église de Caripaya



Une ligne qui serpente, c'est notre route qui traverse la pampa. Ici tout manque, à commencer par l'oxygène. Gentiment on s'habitue au rien, on fait de l'absence son environnement, sa maison d'un temps. De l'aube au crépuscule, une même luminosité nous brûle les yeux, nous forçant à nous réfugier derrière nos lunettes aux verres teintés. Notre peau se tanne et se dessèche, mimant cette terre qui nous entoure. Là, quelque chose ! Quel bonheur, un village se dessine à l'horizon. D'abord quelques maisons, puis un bloc sombre d'une taille peu commune pour ces plateaux d'altitude. Coup de pédale après coup de pédale, cette masse grandit, s'allonge tout en affinant ses traits. Deux coupoles se dévoilent à l'ombre d'un clocher. L'endroit nous intrigue. On ne peut le laisser rejoindre notre passé, sans s'y intéresser ne serait-ce qu'un instant. Il faut que l'on voie, que l'on comprenne la présence de cet édifice au milieu de ce grand rien. En s'approchant, on se rend vite compte que nos questions resteront sans réponse. Ici, il n'y a pas âme qui vive. Ici, nous entrons dans un de ces villages fantômes, que la vie a abandonnés il y a bien des années. Dommage, mais poussons jusqu'à l'église, ne serait-ce que pour la beauté du lieu. Magnifique, une grande cour affublée de quatre petites bâtisses encercle la maison de Dieu. Les bâtiments sont construits en pierre de taille et les toits sont faits de tuiles en terre cuite. Un véritable bijou que notre guide papier n'a pas semblé bon de recenser. Le clocher est curieusement posé à côté de l'édifice et le temps, comme toujours, a su donner sa touche personnelle au lieu. Une pincée d'authenticité et un soupçon de vécu. Une grande porte en bois massif bardée d'un gros cadenas rouillé obstrue l'entrée. Cela ne nous décourage pas. A défaut d'avoir la clé, nous avons du temps. Le temps de s'approprier les lieux et de peut-être dénicher une entrée secondaire. La première tentative est un échec. L'escalier extérieur qui donne accès à une petite porte à mi-hauteur de l'édifice ne nous dévoilera que le triste tableau d'un vieil orgue poussiéreux aux tubes défoncés. La seconde sera la bonne. Là, dans l'ombre d'un contrefort, une petite porte semble ouverte. Entrons ! Quittant la lumière du jour, nous pénétrons dans une minuscule antichambre où divers objets traînent au sol. Chandeliers, chaises cassées, petite table branlante, se partagent le peu de place que d'épais murs recouverts de chaux tachée leur laisse. Là, une seconde porte nous révèle la pièce maîtresse du saint lieu. Obscure, seuls quelques rayons de soleil filtrent au travers de la porte d'entrée. L'ambiance qui se dégage de cette pièce est étrange, presque malsaine. D'immenses rondins bloquent la porte, rendant la pièce encore plus mystérieuse. Petit à petit, mes yeux s'habituent à cette obscurité, me révélant une scène peu commune. Face à moi, un fronton d'où des angelots me contemplent. A leur côté, une vierge décapitée. Reculant d'un pas, je bouscule un bougeoir en fer forgé, auquel des dizaines de crucifix ont remplacé les coutumières bougies. Tout est sale. Des objets de culte jonchent le sol et l'autel qui me font face. Mais que s'est-il passé ici ? « Olivier, viens voir ! » C'est la voix d'Aline qui résonne du fond d'un couloir. Je me hâte. Quel mystère cette église recèle-t-elle encore ? Derrière le lieu de culte, une petite pièce des plus poussiéreuses. Assurément l'endroit qu'utilisaient le curé et ses servants de messe pour se préparer. Là, le spectacle me laisse sans voix. Je ne peux comprendre le sens de cette mise en scène. Le bâtiment a sans nul doute plusieurs siècles et n'a plus été utilisé depuis de nombreuses années. Mais dans cette arrière-salle dont les volets sont maintenus fermés par des poutrelles, des guirlandes d'anniversaire sont accrochées aux murs. Le lieu donne l'impression d'avoir été quitté à la hâte, comme si quelque chose ou quelqu'un l'avait forcé. Aline en a assez vu, elle regagne le soleil qui semble aujourd'hui si sécurisant. Je dois comprendre ! Je ne peux quitter ce temple sans avoir ne serait-ce qu'une once de compréhension supplémentaire. Je ne sais trop comment, je me retrouve devant l'autel. Mes yeux glissent de la vierge sans tête aux crucifix de bois. Tout retournera à la poussière nous disent les évangiles... Il y a quelque chose qui cloche, quelque chose qui me demande de rester, mais quoi ? Un frisson me parcourt l'échine et un sentiment étrange me gagne. J'ai l'impression que les murs veulent me parler, se décharger d'un poids qu'ils portent depuis trop longtemps. Mes yeux se fixent, attirés par ce qui me dérangeait, il y a quelques minutes déjà. Sur l'autel, se trouvent quatre gobelets en plastique. Ces mêmes gobelets que l'on trouve aux fêtes foraines ou aux anniversaires. Mais ceux-là semblent étrangement attirer les mouches. Je m'approche. Puis repoussé par le spectacle, je recule. Un liquide rougeâtre goge à l'intérieur des récipients. Du sang ? Et là, ce n'est pas possible : un bouquet de fleurs fraîches. Plus j'observe et plus j’aperçois d'objets qui me laissent à penser que ce lieu macabre, ce lieu qui ne m'inspire que de la peur, est encore utilisé. Mais qui peut-on adorer dans le noir, dans une telle saleté. Quel dieu exige la décapitation d'une Sainte fixée à plus de cinq mètres du sol ? A qui offre-t-on du sang en signe de soumission ? L'église comporte une dernière pièce. Je n'aurai pas le courage d'aller voir. Si ce lieu cache un secret, je ne me sens pas de taille à le découvrir. Il y a peut-être des choses qu'il vaut mieux ne pas comprendre ! Je ressors et reçois le soleil comme une délivrance. J'en ai assez vu. Et tout comme Aline, je me sens vidé de mon énergie. En partant, mon attention est retenue par un dernier détail. Une guirlande de crucifix, composée de brindilles de végétaux, est fixée à la porte en bois massif, juste au dessus du gros cadenas rouillé. Je ne l'avais pas remarquée en arrivant...
  OF 29.09.13


De Iquique à Pisiga

Le 21 septembre 2013, c'est finalement le Chili qui nous ouvre ses portes. Il aura fallu à peine quelques minutes pour obtenir le tampon d'entrée et ceci à bord même du bateau. Au petit matin, deux employés de la douane viennent nous chercher pour nous mener en ville et nous accueillent à bras ouverts. Ce sera bien la première fois que nous faisons la bise à des douaniers ! Ainsi, non sans une pointe de nostalgie, nous quittons La Traviata et son équipage. Une page de notre voyage se tourne, une nouvelle ne demande qu'à être griffonnée. Et c'est à l'encre de nos efforts que nous écrivons ce nouveau chapitre.

Notre premier objectif est de rejoindre Colchane, village frontière d'avec la Bolivie. On le sait, ça va monter, puisque l'on part de l'altitude 0 pour atteindre 3’750 mètres. Et encore, c'est ce que l'on croyait...

Les premiers kilomètres nous font vite prendre de l'altitude et les montagnes dorées du désert d'Atacama remplacent rapidement le bleu de l'océan. En quelques heures nous voilà dans un nouvel univers. ça y est, l'aventure reprend ! Nous campons au milieu de cette étendue calme. C'est alors que je réalise à quel point le silence m'avait manqué. A bord du navire, même au milieu du Pacifique, il y avait toujours un bruit : celui de la machinerie, de la climatisation ou encore du vent.

Au deuxième jour nous atteignons la Panamericana, que nous suivons jusqu'à Huara. Là, nous faisons le plein en eau chez les carabiñeros et achetons du thon et des pâtes dans une minuscule échoppe. D'après les informations récoltées, notre prochain lieu de ravitaillement serait à 70 km. de Huara et se percherait à 3’300 mètres d'altitude.

Ainsi nous entamons la réelle ascension des Andes.

La route chilienne, comme bien d'autres d'ailleurs, est une réelle mine d'or. Tout d'abord elle permet d'étudier la consommation des locaux grâce aux nombreux déchets qui la jalonnent. Elle informe aussi sur les rencontres potentielles, comme ce scorpion écrasé qui gît à nos pieds. Si l'on a l'œil aguerri, la route nous offre également de quoi regarnir son crapaud et même des paires de chaussures pour qui en a besoin. Mais la route, c'est aussi une sacrée coquine. Jamais elle ne se laisse prévoir, ne se dévoile que partiellement et aime à surprendre.

Le troisième jour, nous roulons huit heures et demie et finissons la journée sur les rotules. Un coup d'œil à l'altimètre : nous venons de grimper quelques 1’800 mètres de dénivelé et nous voilà à 3’125 mètres. A l'ombre d'une pelleteuse et de cactus, nous dévorons notre couscous-thon comme s'il s'agissait d'un repas de fête. Certes, il n'y a ni plateau de fromages ni vin rouge, mais Dieu que c'est bon !

Au quatrième jour, nous n'y comprenons plus rien. On ne cesse de monter alors que Chusmiza, le village-ravitaillement, devrait être à 3’300 mètres. Et puis le voilà : tout en bas dans une vallée. On ne peut s'empêcher de penser : quel gâchis ! Nous descendons donc au village et faisons le plein en eau et en nourriture pour trois jours d'autonomie. Colchane n'est qu'à 90 km. mais nous savons ô combien notre vitesse peut varier en fonction de nombreux facteurs. Ainsi, nous repartons avec 26,5 litres d'eau, des spaghettis, des boîtes de thon et des biscuits. Est-ce le poids de mon vélo ou l'altitude ? Je n'avance plus ! Même pousser le vélo est éreintant. Le souffle se fait court, le rythme cardiaque augmente. C'est rude, c'est pénible, c'est dur, c'est épuisant, c'est... On espère incessamment que le sommet de la montée cache une descente. Mais la plupart du temps, c'est une nouvelle montée qui se dessine sous nos yeux. Ou une cuvette : l'éloge de comment descendre pour mieux remonter. Tant et si bien que nous atteignons les 4’360 mètres ! Comme pour se faire pardonner, la route nous offre un panorama grandiose. De l'ordre de l'irréel ; ce que l'on voit ne se rattache à aucun paysage de notre boîte à souvenirs. Mais la beauté ne fait pas tout ! Il nous faut trouver un lieu pour camper, car nos muscles sont cuits. Ce soir, nous dormirons à 4’300 mètres. Le mal de tête commence à prendre ses aises chez Olivier. Nous restons alertes car à cette altitude personne n'est à l'abri du mal aigu des montagnes. Alors nous nous endormons, ou du moins nous tentons, en réfléchissant chacun de son côté au plan de secours à adopter en cas d'aggravation. Au matin, le mal de tête nous a gagnés tous les deux, mais il reste gérable. Par contre, j'ai l'impression d'être aussi fatiguée qu'au soir. Tout geste est pénible, j'agis au ralenti. Néanmoins, nous reprenons la valse des montées et des cuvettes. Devant chaque pente, l'unique objectif devient d'en atteindre le sommet. Et puis, il y a les sous-objectifs. Bon, allez cocotte, va d'abord jusqu'aux gros cailloux. Ok, maintenant tire jusqu'au panneau jaune, je t'octroie une pause là-bas. Allez, cette fois, vas-y, encore quelques mètres et tu y es !

Au menu de midi : pâtes au thon. Sauf qu'il faut cuire les pâtes. Sauf que nous sommes à plus de 4’000 mètres. Sauf qu'à cette altitude, le réchaud peine encore plus que nous. Il ne nous offre que quelques menus crachats qui finiront, avec beaucoup de patience, à rendre nos pâtes très al dente. Vu que le menu du soir est identique à celui de midi, nous tentons la « précuisson » des pâtes en les faisant tremper tout l'après-midi dans de l'eau. Qui sait... La suite de la journée nous offre une route plus clémente et un décor de plus en plus magique. Nous campons à 3’800 mètres. La technique des pâtes fonctionne, à condition de ne point être tatillon sur la texture des spaghettis.

Au cinquième jour, je me réveille avec un mal de tête, la bouche soudée et le visage gonflé, à peine de quoi ouvrir les yeux. Tracas sanitaire moindre, comparé à celui qui aurait pu m'atteindre quelques minutes plus tard. Car en roulant la tente, un scorpion surgit de dessous la toile, à quelques centimètres de ma main. Si petit, mais si menaçant...

La route qui nous mène dans la plaine de Colchane nous fait vite oublier tout tracas et récompense au centuple les efforts des jours passés. Olivier ne cesse de s'arrêter pour prendre des photos : « C'est pas possible comme c'est beau ! » Et il a tellement raison ! Des troupeaux de lamas multicolores, des plaines jaune-vert, des marécages aux reflets intenses du ciel, des montagnes aux sommets saupoudrés de blanc... Colchane, enfin nous voilà ! Pas pour longtemps, puisque nous filons tout droit du côté bolivien de la frontière. La paperasserie douanière dure à peine dix minutes. Je n'ai pas besoin de beaucoup insister pour obtenir nonante jours au lieu des trente habituels. Un simple « nous sommes à vélo... » suffit. De l'autre côté de la frontière, il y a Pisiga et sa file interminable de camions qui patientent. Un village qui n'a de sens que grâce à la frontière. Au bord de la route, de manière tout aussi officielle que surprenante, une dame nous change notre argent chilien. Nous prenons une petite chambre dans l'un des alojamientos du village et faisons nos premiers pas dans ce que certains nomment « le Tibet de l'Amérique ». AG 26.09.13