En
sortant du four, il ne pouvait le savoir, son destin allait être bien plus
grand que le moule qui l'avait vu naître. Coïncidence ou signe du destin, les
avis divergent encore. Il n'était pas meilleur que les autres, plutôt bonne pâte
et à croquer. C'était peu après les fêtes que tout a commencé. Le soir même où
ses amis allèrent en boîte et qu'il opta pour un abri en carton. Opportuniste,
il profita d'un envoi de sac à dos pour franchir l’Atlantique. Une arrivée périlleuse
où il fallait faire profil bas. Des comme lui, on n'en veut pas dans ce pays.
On les attend avec des chiens et rares sont ceux qui échappent à leur
vigilance. Discret, il savait l'être. Se faire oublier était dans ses cordes.
Malgré certaines médisances, il ne s'estimait pas être fait en sucre. Peut-être
même espérait-il un jour devenir un dur à cuire. Lors de son voyage, il
embarqua à deux reprises sur cet océan que Magellan baptisa en 1520 : le
Pacifique. Il connut les fjords tumultueux de Patagonie, vogua sur des lacs aux
verts si intenses qu'ils font passer les plus belles émeraudes colombiennes
pour de vulgaires cailloux. Il connut les vents des cinquantièmes, les nuits
froides et les réveils humides de ces terres oubliées. Il parcourut plus de
mille kilomètres de piste où, aujourd'hui encore, on fait céder la roche à
grands coups de dynamite. Mais tout comme les histoires, les voyages ont
une fin. Le sien se termina à l'endroit même où se termine la Carretera Austral
: Villa O'Higgins. Tout comme Moïse, en d'autres temps, il ne put fouler la
terre promise. Dévoré en guise d’apéro, par deux cyclo-voyageurs affamés, ce
petit milanais en forme d'étoile s'éteignit une fin de matinée.
Ceci
est l'histoire vraie d'un petit biscuit fait maison.
OF 14.03.2014
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