L'histoire
que vous vous apprêtez à lire est une histoire vraie. Nous l'avons vécue la
nuit du 30 au 31 janvier 2013 et je vais tenter de vous la relater avec le plus
d'objectivité possible.
Il
est environ 19 heures, la nuit s'est déjà installée et nous nous apprêtons à
nous endormir dans notre tente. Le lieu que nous avons choisi pour passer la
nuit est un terrain vague où poussent quantité d'épineux. Deux des quatre côtés
de cette large zone sont bordés de hauts monticules de terre. Stratégiquement,
l'endroit est bon. Voilà pas cinq minutes que nous avons adopté la position
horizontale que deux voix se font entendre au loin. Rien d'inquiétant, on a
l'habitude. On attend que cela passe... mais rien. Une des voix semble téléphoner
et ne doit pas être à plus de 30 mètres de notre campement. Après quelques
minutes, l'interlocuteur de nos premières voix se fait entendre sur notre
gauche. Nous voilà donc pris en sandwich entre deux adeptes du téléphone
mobile. Faire une pause dans l'écoute, faire le point. Résumons : nous
avons trois personnes à proximité de la tente, deux à droite, une à gauche. Ce
sont des hommes qui ont entre trente et quarante ans, à les entendre. On a donc
entre 150 et 210 kilos d'Indiens dans le secteur. ça peut le faire, mais faut être prêt ! Je m'habille au
cas où, fourre une frontale dans la poche gauche de mon pantalon et notre canif
dans la droite. Attendre... L'attente ne sera pas longue. Une fois réunies, les
trois voix s'approchent de nous et éclairent la tente avec leur lampe torche.
Branché sur diplomatie, je sors. Je salue, explique que je suis Suisse et que je
fais du vélo en Inde. Ne pas dire que le deuxième vélo appartient à une femme.
De toute manière, ils ne comprennent rien. Après quelques minutes de discussion
cordiale et mon refus de boire de leur gnôle, je leur fais signe que je vais
retourner dormir et eux me montrent qu'ils vont s'en aller. OK, l'histoire est
réglée. La diplomatie, c'est super ! Voilà pas dix minutes que je suis au lit
que les voix reviennent. Au bruit, ils font un sitting à 5 mètres de la
tente, discutant comme si l'on n’existait pas. On n'est pas trop étonnés de
leur attitude, notre expérience indienne nous ayant déjà démontré à plusieurs
reprises à quel point l'autre n'est pas important. Craquements, puis
re-craquements. Mais que font-ils ? Ah oui, du feu. Ils font du feu à 5 mètres
de notre tente, bramant comme des cerfs en rut alors qu'ils savent pertinemment
que deux personnes essaient de dormir... Impensable ! Même en sachant que
notre différence culturelle est immense, cela n'est pas pensable. Enfin, je
ressors et l'air navré, leur explique que je souhaiterais dormir et que leur
proximité rend la chose peu évidente. Rien à faire, ils ne bougeront pas. Que
faire contre l'absurde ? Je retourne me coucher et deviens le jeu de ces trois
imbéciles. Ils m'appellent, éclairent la tente et s'en approchent. Rester zen,
faire comme si c’était des enfants... les ignorer. C'est le meilleur truc pour
décourager un gamin, croyez-moi ! Rien à faire, ils insistent puis
retournent à leur feu. Constatant qu'ils sont plus bêtes que méchants, je
laisse le sommeil me gagner, il est 21 heures. C'est vers les 22h30 que je me réveille
à nouveau. Selon Aline, ils sont partis puis revenus et en ce moment, ils
regardent une vidéo sur l'un de leurs mobiles. Si Lhermitte avait trouvé en
Villeret un « champion de classe mondiale », là on tient un trio
interplanétaire. Le son de leur film me fait rapidement comprendre que le héros
s’affaire frénétiquement à faire claquer ses bourses sur les fesses d'une dame
qui, selon ses petits gémissements, apprécie la chose. J'y crois pas ! On a
trois types qui matent un film de boules à 5 mètres de la tente au milieu de la
nuit. C'est simplement irréel. Comment agir lorsque rien de ce que l'on a pu
vivre jusqu'à présent ne nous a préparés à une telle situation ? Peut-être ne
rien faire et laisser le froid les décourager ? Je me rendors. Je dors
jusque vers minuit, où une nuée d'étoiles rouges viennent se déposer sur notre
tente. Les cons, ils nous balancent leurs braises dessus. Fou de rage, je sors
de la tente en vociférant toutes les insanités qui me passent par la tête. Voilà
de quoi reléguer notre cher capitaine Haddock au rang d'amateur. J'ai le corps
littéralement en feu. La colère est telle que je me mets à leur poursuite,
pieds nus, sur un terrain bardé d'épines. Je ne sens rien. Malgré ces pointes
qui pénètrent mes pieds, je cours. Heureusement pour eux, je ne connais pas
l'endroit. Et poussés par la peur, ils détalent comme des lapins. Comment
ont-ils pu en arriver là ? Comment des adultes peuvent passer cinq heures à côté
d'une tente où deux personnes essaient de dormir et faire comme s'il n'y avait
personne ? Comment et pourquoi ? Nous ne cherchons même plus à comprendre. Cela
fera bientôt deux mois que l'on roule dans ce pays et que nous avons compris
qu'il ne fallait pas chercher à comprendre. Qu'il ne valait peut-être même pas
la peine d'essayer. Lorsque des femmes vous attrapent lors de votre passage à vélo
et vous font tomber, quand des hommes font des bruits d'animaux pour vous
saluer, quand des enfants* s'accrochent par grappes à vos sacoches de vélo sous
les yeux amusés de leurs parents, quand... Quand on ne voit pas par où
commencer pour établir une relation « normale ». Quand la normalité
ne veut plus rien dire... il ne vous reste plus que la colère ou les larmes. OF 31.01.13 * enfants qui demandent de l'argent pour s'amuser et non pas par nécessité. Enfants correctement habillés, habitant des maisons et vivant dans des familles possédant des terres et du bétail.
Sympa....!!!
RépondreSupprimerOn dirait que vous êtes tomber dans une ruche de gros cons et grosses connes... :(
Attention aux aiguillons et tenez bon pour en sortir dès que possible.
Si ça peut vous faire du bien... nous aussi on en tient un joli bouquet en Suisse.
Ici c'est neige.. neige et neige :)
Ya même eut un violent orage en même temps qu'il neigeait hier soir!!!
L'orage... c'était à Puidoux si jamais :)
RépondreSupprimerOn s'est était douté que ce fut un orage chez les Amoureux :-) A+O
SupprimerIl est peut-être inutile d’en rajouter une couche, mais cela ressemble tellement à ce que nous avons vécu la dernière nuit passée sur territoire indien que …
RépondreSupprimerAprès avoir quitté Aline et Olivier, nous avons poursuivi seuls notre visite du Rajasthan. L’agence de voyage avait réservé pour une dernière nuit une chambre dans un hôtel à Neemrana Fort. Cet hôtel est en fait l’ancien fort de Neemrana. C’est une construction adossée à une colline. C’est une succession de petits bâtiments reliés soit par des escaliers soit par de petits chemins. C’est un vrai labyrinthe. Il y a de nombreuses terrasses. Cet établissement loin des grandes agglomérations avait été spécialement choisi pour que nous puissions nous reposer avant le voyage du retour. L’après-midi, nous avions repéré parmi les clients de jeunes indiens. Nous ne leur avons pas demandé leur passeport, en tous les cas ils faisaient partie des rares clients non occidentaux. Je me suis d’ailleurs demandé la raison de leur présence ici. Comme la ville de Neemrana est très proche et qu’elles regorgent d’entreprises industrielles notamment japonaises, j’ai pensé qu’il s’agissait de jeunes cadres venus pour des raisons professionnelles. Peu après que nous nous soyons couchés, pas très tôt du moment que nous avions encore à préparer nos bagages pour le lendemain, j’ai réalisé que ces jeunes s’étaient installés sur une terrasse dominant notre chambre et qu’ils y refaisaient le monde. A minuit, j’ai entendu des déplacements et des bruits de portes. J’ai naïvement pensé qu’ils allaient se coucher. Que nenni. Finalement, la fatigue et les boule Quies aidant, nous avons fini tant bien que mal par nous endormir. Vers 4 heures du matin, je constate avec stupéfaction que nos quatre larrons sont toujours en grande discussion. Réalisant que dans ces conditions, il sera difficile de se rendormir, je sors sur notre terrasse et leur adresse un tonitruant « shut up ». Voyant que ma réaction ne suscite aucune réaction, Danièle sort à son tour et leur explique de manière plus diplomatique que nous aimerions pouvoir dormir. Il demande encore cinq minutes, qu’étonnamment ils respecteront. Le lendemain matin en quittant notre chambre, nous avons pu constater que la terrasse squattée une bonne partie de la nuit était jonchée de mégots de cigarettes, d’emballages divers et de bouteilles.
Vous me direz que bien de nos compatriotes, lorsqu’ils se déplacent en groupe, sont aussi capables du pire. Il n’en demeure pas moins que notre expérience a quelques similitudes avec celle vécue par Aline et Olivier et que ce manque d’attention à l’autre est un aspect que nous avons aussi fortement ressenti.
A part cela, j’espère que la tente n’a pas été endommagée et que les pieds d’Olivier en sont ressortis indemnes. Qu’en est-il au juste ?
Christian
Pour ces qui est des pieds d'Olivier, un peu de Béthadine a suffit à penser les plaies. Par contre, pour ce qui est de la tente...les trous causés par les braises demandent encore à être réparés. On en dénombre heureusement que 4-5, les autres braises n'ayant que glissé sur la toile.
SupprimerA+O
P.S. Heureusement que les Indiens savent courir, sinon il y aurait eu plus de trous :-)
P.S.S. 8 jours après, on voit cette aventure plus comme une histoire de cyclo-voyageur que comme une mésaventure douloureuse.