Seize jours durant
nous serpentons entre lacs et forêts, entre montagnes et volcans, entre Chili
et Argentine. Certains disent que cette région ressemble à la Suisse. Il y a
les lacs, certes, mais l’on n'a encore jamais vu d’édifice volcanique aux dômes
enneigés à côté de nos lacs de montagne. Toutefois, il est vrai que nous nous
sentons bien dans cet environnement fait de vert, de bleu et de blanc. Ces
couleurs nous avaient tellement manqué... Ces couleurs, c'est chez nous.
Les événements de
ces derniers temps nous font réaliser à quel point le réseau de connaissances
que nous avond tissé petit à petit durant notre voyage est intense, solide,
fiable et ô combien précieux.
A Puerto Montt,
notre chemin recroise celui de Magali et Stefan, l'un des couples suisses en
vadrouille. Nous avons profité de ce qu'une amie et le père de Stefan viennent
partager un bout d’aventure avec eux pour se faire acheminer quelques affaires
de Suisse. Un sac à dos pour les éventuelles balades dans les parcs nationaux
de Patagonie. Un disque dur pour la sauvegarde des photos et films d'Olivier.
Des dollars pour un change plus avantageux en Argentine.
De Puerto Montt
nous prenons la route pour Chiloé, cette île un peu à part qui fait rêver les
Chiliens métropolitains. Nous y retrouvons Paul. Un couple rencontré à Katmandou
nous avait, à l'époque, donné l'adresse de ce Français au cas où l'on passerait
sur l'île... Paul nous a tout d'abord été d'un grand secours pour réceptionner
notre nouvelle tente Hilleberg. Car oui, nous voilà à présent les heureux
parents de la petite soeur de feu notre tente, sans aucun jeu de mot. En effet,
nous avons tenté ce qui nous paraissait vain d'avance : écrire à la maison
Hilleberg pour leur raconter notre mésaventure et espérer un geste de leur
part. Le geste, ils l'ont fait en nous vendant une tente neuve pour le tiers de
son prix. Ainsi nous sommes prêts à affronter les pluies diluviennes de
Chiloé et les vents enragés de Patagonie et de la Terre de Feu.
Paul nous a ensuite
ouvert les portes de sa magnifique maison de bois, trônant au bord d'une
falaise et face à l'océan. Petite esquisse. Je suis installée dans un fauteuil à
bascule confortable, l'ordinateur sur les genoux, un verre de vin et un plat de
raisins posés sur une petite table en bois à côté de moi. Si je lève les yeux,
je me retrouve submergée par la vue qu'une immense baie vitrée m'offre ; une
impression de voler au-dessus de la plage de sable blanc m'envahit. Les oiseaux
planent juste sous mes yeux. Le vent souffle, la pluie bat contre la vitre
alors que le feu crépite dans le poêle et nous enveloppe de sa douce chaleur.
C'est à peine si j'entends le profond murmure régulier des vagues qui viennent mourir
sur la plage. Paul est à la cuisine et nous prépare un bon repas. Olivier
regarde un film dans notre chambre. Ce décor peut paraître anodin. Pour nous,
il est synonyme de repos, de bien-être et de ressource. Nous découvrons à
petits pas la vie de Chiloé, ses habitants, ses coutumes, sa nourriture, sa
langue. Demain, nous reprenons la route. Le plus dur, après ces quatre jours de
pause, sera de faire le pas pour passer de ce petit paradis reposant au tumulte
de notre vie de nomade. Mais nous sommes prêts, nos vêtements ont retrouvé leur
fraîcheur, nos sacoches sont pleines de bonnes victuailles, nos corps sont
reposés et notre psychisme aussi.
Demain matin, nous
irons encore chercher le lait chaud et le pain frais chez les voisins de Paul
ainsi que les billets pour notre retour sur le continent. Car les voisins se
sont démenés et ont fait jouer leur réseau familial pour nous faciliter les démarches
contraignantes de l'achat des billets de bateau. Nous partirons donc de Castro
le dimanche 26 janvier pour rejoindre Chaitén. Nous serons alors au début d'une
nouvelle aventure, celle de la mythique Carretera
Austral.AG 21.01.14
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