La Panamericana,
c'est une aventure en soi. Pour certains, c'est l'histoire d'un voyage. Pour nous,
ce sont quelques centaines de kilomètres. La « Paname », c'est une
autoroute pleine de contradictions. Elle est interdite aux vélos mais un
service de camionnettes est mis en place pour aider les cyclistes à passer les
tunnels ; les pistes cyclables y débouchent et les policiers nous y
envoient. Les véhicules y roulent à vive allure mais la large bande d'arrêt
d'urgence nous offre la sécurité qui manque parfois sur les petites routes. Il
y a du bruit mais l'on peut rouler côte à côte et bavarder. Elle contourne les
villes et nous assure un lieu de campement gratuit chaque soir. La première
nuit, nous la passons dans une zone de chantier derrière une station service où
le gardien est aux petits soins. Ce dernier nous offre l’accès à la douche -
chaude - des ouvriers puis nous tend une tasse de Fanta en nous disant « Il
vous faut de l'énergie pour la route ! » Au matin, il nous apporte
encore biscuits et cerises pour le petit déjeuner... La deuxième nuit, nous
campons sur une aire de repos et là encore, douche chaude à gogo et sécurité.
Mais la « Paname », il en faut à juste dose. Alors nous la quittons
après quelques 200 km., pour ne pas se séparer lassés. C'est une petite route
de campagne qui prend la relève et nous mène au bord de cet océan qui nous est
familier. Le décor alors se transforme et nous transporte à notre grande
surprise en Scandinavie : des forêts de pins à perte de vue, des petits
villages de pêcheurs, des maisons en lattes de bois et aux toits pentus...
Nous célébrons le
24 décembre dans une petite « villa » en ruine au bord de l’océan.
Une maison qu’un homme nous a mis à disposition, malgré sa gêne vis-à-vis de l'état
de son bien. Quatre murs de béton, un toit et c'est tout. Mais c'est tellement
: un chez nous éphémère. Le lendemain, sur la place du village voisin où la
musique « Feliz
Navidad » fait vibrer les lieux qui se préparent à la célébration,
nous lirons avec émotion la trentaine de mails reçus.
La côte, c'est beau. Mais on ne la voit finalement pas
beaucoup. La route ne cesse de s'en détourner, de grimper, de descendre, de se
transformer en piste et de nous faire suer. Nous avançons lentement et ce
d'autant plus que ma commande des vitesses arrière a rendu l'âme. Il est temps
de retourner sur notre « Paname ». Nous y retrouvons le confort des
aires de repos et la facilité de la route. Puis nous lui faisons à nouveau faux
bond pour cette fois-ci se diriger à l'Est, vers la région des volcans et des
lacs.
Le 31 décembre au
soir, nous cherchons un endroit où camper et célébrer en amoureux le passage à
l'année nouvelle. Ce ne sont pas les lieux qui manquent dans cette région où la
nature s'épanouit. Mais le problème au Chili, c'est que la Nature est devenue
la prisonnière de l'Homme. Celui-ci se l'est appropriée et marque son territoire
à coup de barrières, de fils de fer barbelés et de portails cadenassés. Ainsi
la moindre parcelle de forêt est enfermée, l'accès aux rivières est interdit
pour cause de « propriété privée », les champs sont clôturés. Ce
soir-là, il nous reste la compréhension des Chiliens comme seul espoir. Au bout
d'un chemin de pierre, tout au bout, une propriété privée et une femme d'un
certain âge. Pour une nuit ? Elle nous ouvre alors son portail et nous mène au
bout de l'une de ses nombreuses parcelles, là où nous serons tranquilles et près
d'un petit ruisseau pour nous laver. Heureux d'avoir trouvé ce petit coin, nous
commençons les festivités par un apéro. Cette année, nous avons décidé de fêter
Nouvel An à l'horaire européen. Ainsi aurons-nous des chances de passer le cap éveillés
! En fin d’après-midi, nous avons droit à la visite du fils de la propriétaire
et de sa nièce, qui nous apportent tout d'abord du Pan de Pasqua, puis un grand bol
de cerises. Plus tard dans la soirée, c'est au tour de la fille accompagnée de
son propre fils de dix ans de venir nous souhaiter la bienvenue. Elle revient
une deuxième fois pour nous proposer de déplacer notre campement dans une
partie de la maison non habitée, car il commence à pleuvoir. Nous venons tout
juste de terminer notre souper et la proposition est bienvenue. Ainsi, depuis
notre matelas posé sur le sol d'une vieille bâtisse en bois, nous écoutons la
pluie s'en donner à coeur joie. Il y a quelque chose de mystérieux dans cette
demeure, dans laquelle il a dû y avoir vie il y a bien des années. Les meubles
ont disparu. Ne reste qu'un vieux poêle et quelques matelas à l'étage. D'une pièce,
néanmoins, émane un son étrange. Olivier y découvre un vieux monsieur alité que
tout le monde semble avoir oublié. Nous n'aborderons pas le sujet avec la
famille, cette présence restera pour nous une énigme. Prêts à nous coucher, une
petite voix nous dit : « Venez, la viande est prête ! » Nous
suivons notre hôte et c'est alors que nous découvrons une salle animée où toute
la famille, une dizaine de personnes, est réunie pour célébrer la nouvelle année.
C'est avec le plus grand naturel que nous prenons place au milieu de cette
assemblée. Le temps d'une soirée, puis d'un petit déjeuner le lendemain, nous
ferons partie de la famille. Cette chaleur aura été aussi tendre à nos cœurs
que la viande à notre palais. Et il faut avouer que c'est la meilleure viande
que nous ayons mangée sur le continent. Nous sommes curieux les uns des autres
et les questions ne tarissent pas de toute la soirée. Qui a été nouvellement élu
président ? Pourquoi ne trouve-t-on pour ainsi dire pas de poisson dans les
supermarchés d'un pays bordé par l'océan ? Pourquoi mange-t-on du « Pain
de Pâques » à Noël ? Apprend-on l'anglais à l'école de nos jours ? Minuit
sonne et transforme nos échanges verbaux en des embrassades amicales. Puis
vient le temps de se coucher. Une nouvelle année vient de débuter.AG 01.01.14
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