Une nuit de vol avec escale à Bahreïn. Arrivée à l'aéroport de Bombay à
5 heures du matin. Nous sommes lessivés et nous appréhendons ce qui nous attend
: récupérer nos bagages et nos vélos, affronter la circulation de cette méga ville
et trouver un endroit où dormir. On nous avait avertis que les Indiens avaient
tendance à compliquer les choses. Mais jamais, oh ! jamais nous n'aurions
pu imaginer ce que nous avons dû subir pour récupérer nos vélos. Il a fallu
d'abord se rendre à l'aéroport-marchandises et batailler avec les conducteurs
de rickshaws pour avoir un prix correct. Une fois sur place... je vous résume
la situation ; j'ai de toute manière déjà oublié la moitié des événements,
surcharge cognitive oblige. Nous avons dû faire face à huit heures de démarches
administratives pour retrouver nos vélos. Huit heures à passer d'un bureau à
l'autre, récupérer des signatures, remplir des formulaires, somnoler sur une
chaise d'entrepôt en attendant que tel employé débute sa journée ou que tel
autre revienne de la pause dîner, payer des montants par-ci par-là, piquer une
crise de larmes en plein bureau (ce qui m'a quand même valu la pitié des employées
et leur aide), etc. Tout ça pour des vélos ! Petits gags supplémentaires. Un
homme a commencé à nous aider dans tous ces méandres, spontanément. Après
quelques heures de démarches, il me dit que je vais devoir le payer 200 dollars
pour son job. Evidemment, je refuse, ce qui me vaut de continuer toute seule à
me dépatouiller. Ensuite, la surprise est qu'en Inde, il faut payer des frais
de douane pour ce qu'on y introduit, soit 35 pour-cent de la valeur des
produits. Je vous laisse imaginer le trou dans le budget. Heureusement qu'un
employé m'en a fait part discrètement au moment de remplir un certain
formulaire...
Voilà, ça c'est notre entrée en matière avec l'Inde.
Une fois nos vélos remis en état de marche, sous les yeux intrigués
d'une foule d'Indiens, nous prenons enfin la route. Ah oui ! Ils conduisent à
gauche ici, nous avions omis ce détail. Enfin, généralement à gauche, parfois à
contresens, c'est selon. Fatigués de ne pas avoir dormi depuis trente-deux
heures, nous nous réfugions dans une chambre d'hôtel. De quoi décompresser,
dormir tout notre soûl et repartir d'un bon pied dans la découverte de ce
nouveau pays.
D'abord Bombay et sa circulation frénétique surabondante. On sait à
peine où se mettre. Nous rejoignons l'express highway où l’on roule à peine plus
fluidement. Nous passons à côté de familles qui se sont installées là, sur le
trottoir à côté de l'autoroute et qui ont pour tout logis deux poteaux et une
toile de tente. Nous roulons à côté de gamins accroupis sur le trottoir qui
font leurs besoins sur la chaussée et qui nous regardent passer. Et puis, nous
nous familiarisons avec la faune de la route : les camions Tata magnifiquement
décorés, les rickshaws bien souvent surchargés, les voitures, les motos et les
vélos. Tout aussi différents soient-ils, ils ont cela en commun : le klaxon. Il
en résulte un bruit incessant, omniprésent, encore imperméable à notre
entendement.
Rapidement, nous sortons de Bombay et poursuivons notre ascension vers
le Nord. Les jours sont intenses et épuisants. Il nous faut nous adapter à un
nouvel univers, en décoder le fonctionnement, digérer tout ce qui défile sous
nos yeux. Comprendre les différences. Les hôtels par exemple. Le long de
l'autoroute, le camping sauvage nous paraît compromis : il y a des gens
partout, même là où l’on ne s’y attend pas ! Alors nous nous rabattons sur les
motels. Une succession incroyable d'établissements nommés « Hotel »
bordent la route. Alors, nous nous étonnons lorsqu'ils nous disent qu'ils n'ont
pas de chambres. Nous comprendrons plus tard qu'il y a deux raisons à ces
refus. La première est qu'un « Hotel » peut être un simple restaurant. Ce
que nous nommons habituellement « hôtel » sont ici des « Guest-house ».
La deuxième est que certains établissements refusent les étrangers pour des
raisons de complications administratives. Une fois que l'on comprend cela, on
peut plus facilement cibler ses recherches et limiter déceptions et pertes d'énergie.
Nous quittons l'autoroute pour rejoindre Dandi, le lieu où Gandhi a terminé
la « marche du sel » visant à se révolter contre le monopole
britannique de la distribution du sel. Nous tentons notre première nuit de
camping sauvage, sur cette plage au bord de la mer d'Arabie. Très instructive,
la nuit. Nous avons appris qu'une marée peut prendre des proportions
inimaginables. A 1 heure du matin, les quelque 500 mètres qui nous séparaient
de l’eau se sont réduits comme peau de chagrin. Nous devons alors plier bagages
et nous réinstaller dans le petit parc du village pour le reste de la nuit...
Second écart de l'express highway, direction Champaner-Pavagadh,
une cité construite au VIIIe siècle. C'est
d'ailleurs de là que je relate nos premiers jours en Inde. Je suis assise sur
un balcon, à siroter un jus de mangue. J'ai sous mes yeux des singes qui jouent
dans les arbres, des perruches vertes qui volent aux alentours et le soleil qui
se couche. C'est aussi ça l'Inde. AG 16.12.12
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