De La Baneza à Communal


Notre atlas routier nous permet d'éviter les grands axes et de profiter au mieux de l'infinie toile espagnole. Mais quel que soit le chemin emprunté, deux questions reviennent constamment : « Vous faites le chemin ? », « Vous cherchez le refuge ? » Car s'il y a bien une célébrité en Espagne, c'est le chemin de Saint-Jacques de Compostelle. Mais notre refuge à nous, bien souvent, sera la forêt qui nous accueillera chaque fin de journée avec sa plus grande amabilité.
Entre l'Espagne et la France, il y a les Pyrénées. Et entre les Pyrénées et les Pyrénées, il y a Andorre. Alors après la chaîne de l’Himalaya, après la cordillère des Andes, pourquoi franchir les Pyrénées là où elles se meurent et ne pas profiter, une dernière fois, des lacets dansants d'un col à 2’408 mètres ? Est-ce l'expérience acquise, l'euphorie du proche retour ou l'air revigorant d'Andorre qui nous le fait franchir avec tant de légèreté ? Peu importe la raison, nous nous satisfaisons du plaisir éprouvé au milieu de ces montagnes enneigées. De l'autre côté du col d'Envalira, la France nous attend. « Bonjour, vous pouvez passer, bonne journée ! » Nous nous regardons, Olivier et moi, et d'un étonnement amusé nous nous disons : « Tiens, nous avons compris tout ce que ce douanier nous a dit ! » Et soudainement, il n'y a plus que nous au milieu d'individus anonymes. Il y a nous, et puis il y a tous ces individus dont les bribes de conversations volées au coin d'une rue, d'un étalage ou d'un café, nous font partager un fragment de leur vie. Et ceci, qu'on le veuille ou non... Et ceci, pour le meilleur et pour le pire. Au détour d'une averse, nous nous enfilons dans un café. Le lieu sent bon les croissants frais et le café chaud. Il y a là celui qui cherche désespérément le feuillet du tiercé, que nous échangeons contre celui de la météo, il y a celui qui boit son demi au comptoir, puis ceux qui refont le monde autour d'une grande table. Nous voilà bel et bien en France. Par contre, nous n'avions pas imaginé que ce pays était tant boisé et que ce vert qui nous a si souvent manqué nous entoure durant les quelques centaines de kilomètres qui nous amènent à la plaine du Rhône. Un détour par le village de Roquefort et nous nous offrons une pause gastronomique et instructive à notre régime vélo. Nous y rencontrons un ingénieur concepteur du réseau « voies vertes » (parcours dédiés aux vélos) qui nous donne quelques conseils sur les sentiers à emprunter. Une petite parenthèse routière qui nous conduit sous le viaduc de Millau. Puis ce sont les gorges du Tarn qui prennent la relève. Que la France regorge de régions magnifiques ! Nous nous rendons compte que nous avions auparavant l’habitude de visiter ce pays voisin avec un regard sévère. Alors qu'un même environnement, placé dans un continent différent, nous aurait épatés. Ce sont peut-être les 33'000 km. parcourus pour atteindre ce pays qui nous fait réaliser sa beauté.  
Le vélo d'Olivier a hâte de prendre sa retraite ou du moins de se mettre en pause ; un seul plateau reste fonctionnel et la pédale droite se fait constamment la malle. Olivier a depuis le temps adopté des stratégies pour pallier ces boiteries. Mais après une dizaine de kilomètres où je ne cesse de ramasser la fugitive, nous décidons d'intervenir. Nous tombons par hasard sur l'association Eve (écomobilité et voyage écologique), à Millau, qui offre une nouvelle pédale au vélo d'Olivier. Quelques dizaines de kilomètres plus loin, un cliquetis se fait de plus en plus présent. Olivier réalise alors que sa jante arrière est en train de se déformer sérieusement au point de buter contre l’un des patins de frein à chaque tour de roue. Nous sommes au fin fond des gorges du Tarn, la ville la plus proche est à une cinquantaine de kilomètres. C'est quitte ou double : ou l'on continue à pédaler avec le risque que la jante rende définitivement l'âme et que la roue ne puisse plus tourner, ou nous jouons la carte de la sécurité et poussons le vélo. Nous optons pour une solution intermédiaire. Nous poussons les vélos la plupart du temps mais lorsque la pente est suffisamment forte, je monte sur le vélo d'Olivier (question de poids) et je me laisse glisser. C'est alors que les avantages du voyage à vélo plutôt qu'à pied s'imposent à nous. A Mende, Olivier acquiert une nouvelle roue et nous pouvons pédaler à nouveau.
Le Rhône. Une étape en soi qui signifie que la Suisse n'est plus loin. Nous le longeons sur quelques kilomètres mais au lieu de prendre le chemin direct de la maison, nous nous en écartons pour une raison bien précise. Nous allons retrouver Régine et Michel, un couple de jeunes retraités que nous avons rencontrés en Bolivie et qui habitent au-dessus de Champfronier. Et par un heureux hasard, nous y retrouvons Magali et Stefan, le couple suisse que nous n'avons cessé de croiser durant tout notre périple en Amérique du Sud. Quelles magnifiques retrouvailles ! Six cyclo-voyageurs qui discutent dans le confort d'une maison chauffée, autour d'une table exquise... Le moment est délicieux et nous le prolongeons le lendemain avec une randonnée au sommet du Reculet. De là, nous voyons notre patrie... la poitrine tressaille. Demain, vendredi 16 mai, nous reprendrons chacun notre route. Cette fois, nous connaissons le lieu où la nôtre nous mènera... AG 15.05.14

A nouveau nous comprenons tout, pour le pire et le meilleur...

1 commentaire:

  1. Difficile de réaliser que vous êtes désormais si prêts de nous! On se réjouit tellement de vous revoir :-D!
    Très bons derniers kilomètres à vous et bienvenu à la maison !
    Gros becs

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