De Champaner à Udaipur

Cela fait déjà deux jours que nous sommes dans une guest-house. Je descends à la réception dire que nous restons encore un jour, Olivier doit retrouver des forces avant de reprendre la route. « Non, vous devez partir dans quarante minutes. » « Pardon ? » En gros, deux c'est assez, trois c'est trop. Devant ma mine déconfite et mon incompréhension, les gérants me font une faveur et acceptent notre présence une nuit de plus. Le temps de commander quelques chapatis et un lassi et je remonte en chambre. Je rejoins un Olivier tout outré. Il vient de se retrouver tout nu sous sa couverture, face à un Indien qui est entré sans toquer et qui s'est planté devant le lit en agitant un petit balai comme pour demander s'il devait faire le ménage.  

24.12.12 - vers Vataman 
Halte pour visiter un temple jaïn. Nous ne sommes pas seuls. Des dizaines de pèlerins se sont eux aussi arrêtés dans ce lieu saint pour se reposer ou se faire frictionner les jambes. On nous invite à boire un tchai et nous nous asseyons sur des marches. La foule se presse autour de nous et le serveur doit se frayer un passage pour nous atteindre. Comme dans beaucoup d'endroits, on nous sert le thé dans ce que nous appelons communément une sous-tasse. Nous devons donc nous concentrer pour ne pas nous brûler, ne pas renverser le thé, tout en répondant aux mille et une questions des pèlerins. 

27.12.12 - Palitana
Les temples de Shatrunjaya sont parmi les lieux de pèlerinage les plus importants pour les jaïns. Mais pour y accéder, il faut gravir 3200 marches. Les porteurs de chaises attendent en masse au bas de la montée. Les clients sont nombreux : des personnes âgées, des jeunes, des personnes obèses, des maigres. Nous avons même vu, assis sur ces chaises, des enfants en bonne santé. Et des bagages. Nous, nous transpirons après avoir repoussé les nombreux « Do you want a seat » Marche après marche, nous nous élevons tout en admirant ces porteurs et porteuses stoïques. Arrivés au sommet, un chef-d'oeuvre architectural se dévoile devant nous. Une somme de travail inimaginable. Des temples aux sculptures remarquablement fines à n'en plus finir. Devant le temple principal, un croyant est assis devant une divinité. Tout en psalmodiant des prières sacrées, il étale des grains de riz sur une planchette en bois et de quelques gestes habiles, dessine le symbole de l'éternité. Il y pose ensuite une pomme, une sucrerie et quelques bonbons après les avoir présentés avec dévotion à sa divinité. 

30.12.12 - environs de Nal Sarova
Fin d'après-midi. Petite route de campagne. Un village à l'horizon. Une fillette arrive vers moi sur son vélo rose et me demande de l'argent. Je lui dis non et la contourne. Un peu plus loin, des femmes, en nombre suffisant pour occuper toute la largeur de la route. Il ne faut pas un grand sens de l'observation pour savoir ce qu'elles me veulent. J'essaie donc de les contourner. Sauf que « dame numéro un » attrape mon guidon. Résultat des lois de la physique, je tombe. Humiliée, surprise ou attristée, je ne sais pas trop, je me relève sous les rires des femmes. Qui ont certes un sens de l'humour différent du mien et qui ne me laissent toujours pas passer. La fillette fait son retour et se met devant la mince ouverture que je me fraie. Cette fois énervée, je suis obligée de pousser le minivélo rose pour repartir.

31.12.12 - Viramgam 
Ce soir, c'est la fête ! N'est-ce pas ? Bon, ben apparemment, ce n'est pas l'avis des villageois. Nous voilà relégués à un jour ordinaire. A nous d'y mettre notre touche de singularité. Nous débutons par une tasse de tchai à la sortie de la ville, là où nous trouvons un coin tranquille, sur un petit banc de pierres entre le marchand de thé et la rivière. De seuls, nous passons rapidement à une trentaine. Les gens affluent et nous regardent tels des oiseaux exotiques. Du coup, le marchand de thé nous offre la deuxième tournée. Après quelques photos, nous entamons la seconde étape de la soirée : le souper. Un thali dans une échoppe, tenue par un couple âgé et juste assez grande pour contenir deux tables. Allez, pour couronner le tout, nous nous achetons un demi kilo de glace. Le nom de cette dernière : Afghan Forest. Avant de nous affaler sur notre lit pour la déguster, nous sommes invités par le gérant de l'hôtel à nous asseoir un instant à la réception. La mâchoire nous en tombe lorsqu'il nous dit, en anglais approximatif : « J'habite à la sortie de la ville, là où vous avez bu des tchais et fait des photos. » Voilà. Il connaît en détail tout ce que nous avons fait avant même que nous le lui racontions. Un reality show où les acteurs principaux, ce sont nous.  

01.01.13
Au bord de la route, une famille indienne nous fait signe. Ces gens parlent un anglais si parfait que... ah oui ! effectivement, ils viennent des Etats Unis. Ils reviennent dans leur pays d'origine pour les vacances. On bavarde, on parle de notre voyage. « Et pour l'eau, vous faites comment ? » Apprenant que notre filtre est cassé, ils vont nous acheter 5 litres d'eau. « Et pour manger ? » « Et bien, quand notre réchaud fonctionnait... » Et nous voilà les bras chargés de biscuits et de barres énergétiques venues tout droit d'Amérique. Une situation que nous avons déjà connue auparavant. Sauf qu'aujourd'hui, nous sommes entourés d'Indiens qui observent la scène. Des personnes qui auraient bien plus besoin de tout cela que nous. Dissonance.

04.01.13 - Chhapi
Pour le dîner, nous nous arrêtons dans une gargotte au bord de la route. Nous rejoignons l'alignée de clients assis sur des paillasses tressées, une planche de bois posée en travers en guise de table. On nous apporte le plat du jour : un plateau métallique rempli de rotla (galettes de pain du Gujarat), d'oignons coupés et de trois petits bols, l’un rempli d’une sauce aux légumes, un autre de crème acidulée et le dernier de lentilles. Un plat unique mais autant de façons de manger que de clients. A notre droite, un grand plat commun dans lequel gisent les rotla réduits en confettis grâce à un travail habile de huit mains. Le serveur vient napper cette mixture de trois « sauces ». Le quatuor continue son travail et mélange le liquide au solide. En résultent des petites boules compactes que nos voisins mangent goulûment. A notre gauche, deux hommes. Les rotla sont déchirés grossièrement. Une partie des sauces est contenue dans les petits bols, une autre s’étale sur le plateau métallique. Les hommes prennent un bout de galette, le trempent dans l'une des sauces puis le portent à leur bouche. En ce qui nous concerne, nous nous la jouons plutôt raffinée. Nos rotla terminent en sandwich roulés aux oignons garnis d'une once de sel ; plus facile à porter à la bouche sans accident de parcours. Quant aux « sauces », c'est grâce aux cuillières intelligemment amenées par le serveur que nous y faisons face. Ces manières diverses de s'alimenter attirent l'attention et, de part et d'autre, les yeux glissent discrètement dans le plat du voisin.

06.01.13 - Goral
Ce matin, nous nous sommes résolus à adopter la yes attitude. A cause de notre niveau de fatigue mentale (permanence des bruits, des sollicitations, du trafic, etc.), nous sommes devenus quelque peu froids et distants avec les locaux. Ce qui ne nous plaît pas. Alors, nous avons décidé de faire l'effort d'être ouverts et positifs en toutes circonstances. Récompense garantie ! Le soir même, nous nous retrouvons chez un médecin de village et sa famille. Tous ensemble nous irons visiter le cabinet dudit docteur, découvrir leur temple et son maître spirituel, souper au restaurant, boire le thé chez leurs voisins. Finalement, nous nous endormirons sur de confortables couchettes dans la chaleur de la demeure familiale. L'arrière-grand-père, quant à lui, dormira à l'extérieur, devant la maison, comme à l'accoutumée.

10.01.13 - Udaipur

Nous atteignons Udaipur pour une raison bien précise : nous y retrouvons les parents d'Olivier ! Nous voilà donc partis pour dix jours de « vacances » à travers le Rajasthan. A.G. 10.01.13

P.S. Si vous souhaitez voir notre itinéraire pays par pays, cliquez sur les drapeaux de la colonne de droite !

2 commentaires:

  1. Ce commentaire est surtout destiné à ceux qui restés au pays se demandent comment se portent les parents mentionnés dans le paragraphe précédent. Qu'ils soient rassurés, nous sommes en pleine forme. Nous continuons notre périple aprés avoir passé une semaine inoubliable avec nos deux héros. Vous en saurez plus prochainement puisque que nous avons été invités par eux à vous faire part de nos impressions de voyage dans un prochain article.
    Agra, le 21.01.2013

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  2. Beaucoup de plaisir à lire ces petites anecdotes!

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