Aline au pays de la "calculette" qui parle

« San, ba, liang, liu 
- Je vous demande pardon !
- Si, liang, jiu, ling 
- Excusez-moi, je ne vous comprends pas bien ! »

Aline était là, debout dans une pièce sombre où se mêlaient diverses odeurs. Elle essayait de déchiffrer cet étrange environnement. Le soufre émanait d'une vieille caisse en bois remplie d'œufs et une multitude d'emballages plastique se disputaient l'espace restreint d'une étagère.

« Ne la dérangez pas, elle compte !

- Que compte-elle ?
- Elle compte, c'est tout. Ici chaque chose a une utilité précise et remplit sa tâche. Les calculatrices comptent, les camions-TV diffusent leurs informations, les tricycles à moteur dialoguent avec leurs conducteurs, les téléphones portables chantent et ainsi de suite. Rien de plus normal, tout a été prévu ! Mais vous, qui êtes-vous ?
- Je suis Aline, la cyclo-voyageuse.
- Alice ? J'ai une cousine, la chenille qui fume, qui a aussi rencontré une Alice, il y a bien longtemps. 
- Euh non, Aline, pas Alice. Et comme ça, vous connaissez une chenille qui fume ?
- Ici tout le monde fume, ma chère Alice. Ça se voit que vous n'êtes pas du pays. Ça se lit dans vos yeux, que vous n'avez pas inventé la poudre ! Ni les pâtes alimentaires, le billet de banque et la révolution culturelle...
- Je vous en prie, je ne crois pas m'être montrée impolie envers vous ! Et d'ailleurs, qui êtes-vous pour me parler de la sorte ?
- Je suis le ver à soie, ma petite Alice.
- Le ver à moi ? 
- Non, à soie... de la route.
- Monsieur de la Route...
- Petite Européenne bornée ! Je ne suis pas plus Monsieur de la Route, qu'à vous, ou que vous sentez bon. Je suis à soie, d'Istanbul à Xi'an. »

Perplexe, notre jeune Aline ne comprenait pas cet être. Le dialogue avec ces habitants semblait résolument difficile. Accoutrés, pour certains, dans des habits des plus fantaisistes, il fallait souvent qu'elle se contente de recevoir un sourire. Sourires sincères, mais peu utiles lorsqu'on cherche sa route ou de quoi boire. 

« Hi hihihi
- Qui est là ?
- Hi hihihi, c'est moi le chat-mot. 
- Pourquoi ris-tu ?
- Hi hihihi, pour que le lecteur comprenne que dans une autre histoire, j'ai eu le rôle du chat-pitre. Mais qu'une fois suffit et que l'on rit aussi avec les mots. 
- Je ne te suis pas !
- Normal, je n'ai pas bougé. Tu ne peux donc me suivre. Mais viens avec moi à la capitale et si tu me suis, tu comprendras. »

Aline reprit donc son vélo et suivit le chat-mot sans vraiment le comprendre. Sur leur route, ils rencontrèrent des régions arides et d’autres cultivées, des cerveaux arides et d’autres cultivés. Le chat-mot parlait et Aline ne l'écoutait plus vraiment. Lors d'une nuit dans un désert, à mille miles de toute habitation, un petit homme à la chevelure blonde comme les blés les interpela : «Dessinez-moi un mouton ! » Ils refusèrent, ayant peur qu'il agisse avec cette pauvre bête comme certains bergers le faisaient dans la région. Les malheureux ! Si en Ecosse, on leur farcit la panse après leur mort, ici on le fait parfois avant ! Le chat-mot, toujours aussi futé, expliqua à Aline que sous ces latitudes, il arrivait parfois que l'on confonde « le sauté de mouton à la poêle » avec « le sauté de mouton à poil » et termina par un tonitruant « le mouton est un animal à poil laineux, à poil les nœuds ! » En s'approchant de la capitale, ils tombèrent sur un étrange petit bonhomme. Il ressemblait à une tranche de carambole jaune sur fond rouge : « Halte ! Sur ordre de l'empereur de la révolution démocratique. » Ils stoppèrent net, devant ce petit soldat, rejoint par quatre autres encore plus petits.

« Vous ne pouvez aller plus loin, sur décret de sa majesté et de sa dame de cœur.
- Et si l'on continue ?
- Couper tête, couper tête, couper tête !
- Vous rigolez ! J'ai un visa en règle et...
- Stop, ma jolie. Ici ce n'est pas la France de Voltaire. Et si vous réclamez, vous terminerez comme Gavroche... »

Le message était clair, si Aline, Aline, Aline...

« Aline, mais tu fais quoi ? Je répare nos vélos depuis des plombes et le seul truc que tu trouves à faire est de t'endormir sous cet arbre... Merci. » OF 05.06.13

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