De El Chalten à Puerto Natales

Un vrai parcours fléché que le trajet de El Chalten à Puerto Natales ! Nous sommes entrés dans le royaume où le vent règne en maître et planter sa tente en plein coeur de la pampa peut s'avérer... regrettable. Ce sont donc les lieux de campement qui détermineront les étapes quotidiennes et les bons plans passent de cyclo en cyclo. Il y a d'abord la Pink House, une maison abandonnée dont les murs se recouvrent petit à petit des griffonnages des voyageurs. Il y a aussi la petite cahute qui servit autrefois d'hébergement aux ouvriers d’un chantier et qui prend aujourd’hui des airs de maison de rêve pour les cyclos. Et puis la cour d'un campo dans laquelle un nandou éventré gît suspendu par les pattes, où les poules picorent un morceau de foie frais et où les entrailles d'un gros animal sèchent dans une brouette. Il y aura encore une place de jeux, presque aussi grande que le village lui-même, dont les palissades protègent du vent. 
Les étapes quotidiennes vont de 70 à 120 km. ; pourtant il n'est jamais possible de savoir à l'avance si l'on va atteindre ou non le lieu de campement. Une incertitude dont seul le vent en est la cause. Un vent de dos et le trajet est un régal. Un vent de face et il faut parfois renoncer. Nous avons vite compris que se lever tôt permet généralement de profiter d'une période d'accalmie.
Il est un bruit qui circule entre cyclo-voyageurs : la meilleure boulangerie d'Amérique du Sud se trouve à El Calafate. Il nous a donc fallu vérifier ces dires. A ce jour, nous pourrions effectivement les confirmer. Mais à cela j'y vois deux biais majeurs d'interprétation. De un, c'est à peu près la seule boulangerie que nous ayons testée. De deux, après une journée d'efforts et des jours de régime avoine-pain-pâtes, n'importe quelle pâtisserie remporterait la palme. Mais à vrai dire, la raison de notre détour à El Calafate n'était pas gastronomique mais géologique : le glacier Perito Moreno. Ce monstre de glace ne nous aura pas déçus malgré les attentes profondes que nous nourrissions. Un géant éphémère dont la fragilité est bouleversante. Devant nous, il vêle et s'effondre. Jamais plus il ne sera comme avant. Et chaque jour, il perd un peu de lui-même. 
Près de Cerro Castillo nous franchissons une nouvelle fois la frontière argentino-chilienne. Deux tampons de plus dans nos passeports. A Puerto Natales, nous toquons à la porte de Daniel, un ex-Blonaysan qui a migré au Chili il y a trente ans et qui vit depuis de la photo. « Voici votre chambre à coucher, ici se trouve la cuisine, là la salle de bains. Lorsque vous aurez pris une douche, venez me rejoindre dans ma maison au fond du jardin. » Nous comprenons alors que nous venons de visiter la maison des invités. Nous consacrons une journée à la préparation de la marche dans le parc Torres del Paine. C'est que nos deux roues ne vont cette fois-ci pas porter notre chargement. Le poids et le volume de chaque objet prennent donc une toute autre valeur.
- Quoi !?! Mais Aline, tu ne vas pas prendre ta doudoune !
- Bien sûr que si ! S'il fait froid ! Et j'ai pris aussi mes chaussettes chaudes et mes premières couches en mérinos !
- T'es dingue ! T'as vu déjà tout ce qu'on doit porter ?! Moi je prends mes vêtements de pluie point barre. 
- Mais...tu ne prends pas de chaussettes de rechange, ni de culotte, ni de deuxième T-shirt au cas où le premier serait trempe ? 
- Non.
- Ah ! 
- Fais comme tu veux, mais je ne sais même pas si on va réussir à porter le reste. Et s'il fait froid, ça sera le soir. T'auras qu'à te mettre dans ton sac de couchage et c'est réglé.
- Bon.
Le lendemain, dans le bus qui nous emmène au parc : 
- Dis voir, Olivier, j'ai tout à coup un doute. T'as bien enlevé le panneau solaire (un demi kilo) du boudin étanche où se trouve la tente ? 
- Ah ben non !
Silence.
- Et c'est dommage, je lis qu'aux campings il y a des douches chaudes... Mais on n'a pas pris de linge...
Re-silence.
Quoiqu'il en soit, nos sacs à dos sont lourds et pleins à craquer. En plus de nos sacs de couchage, de la tente et des matelas, nous avons pour six jours de nourriture. Nous avons opté pour des aliments qui ne nécessitent pas de cuisson, afin de s'épargner le poids du réchaud. Nous avons eu beau creuser notre imagination et scruter les étalages du magasin, si l'on veut rester dans l'économique-pratique-efficient, les repas ne seront guère variés : ça sera avoine le matin, pain à midi et biscuits le soir. Pour encore plus de rentabilité volume-nutrition, nous avons fait notre pain nous-mêmes. Et à 7h30 le samedi 1er mars, nous sommes fin prêts à monter dans le bus qui nous emmènera au parc, aussi enthousiastes que des gamins pour la course d'école annuelle. AG 01.03.14 


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