De Lumbini à Katmandou

Cinq heures. Réveil. Dans l'obscurité du jour encore endormi, assis sur les marches du temple coréen, nous profitons une dernière fois de la sérénité des murmures et des gongs qui émanent de la salle de méditation. Six heures. Déjeuner en communauté. Principalement du riz, des légumes en sauce et en soupe. Comme à chaque dîner, comme à chaque souper. 
Après ces quelques jours hors du temps, nous reprenons la route direction Katmandou. La transmission arrière d'Olivier finit par rendre l'âme. Coups de pédales acharnés d'Olivier mais flegme désinvolte de la roue. Solution : pousser le vélo. Ca tombe bien, nous attaquons un col à 2’488 mètres. Alors puisqu'il faut pousser, poussons ! Et profitons à plus forte raison du paysage sublime qui se dessine ! C'est sûr qu'avec du 3 à 4 km/h., nous avons le temps d'apprécier l'ambiance automnale des forêts. Ici, le manteau rouge incandescent est celui des rhododendrons, fleur nationale. Encore plus impressionnantes, les cultures en terrasses qui structurent et font vibrer des pans entiers de montagne. Un décor presque irréel, tant le travail paraît sur humain. Une maquette à l'échelle qui nous surpasse. Une miniature où tantôt les espaces sont laissés vides, où tantôt ils ont été colorés d'orange ou de vert tendre ; couleur de la nature en constante évolution. Mais voilà : la vedette ne leur est pas destinée. Car ce qui nous amène ici avant tout est la chaîne de l'Himalaya. Voilà pourquoi c'est avec une pointe d'excitation que nous atteignons le col.
Bouché. Des nuages à l'horizon à perte de vue. Ça ne sera donc pas pour cette fois, la belle se fait désirer. Mais nous gardons espoir. Nous établissons notre « camp de base » à Daman car l’on dit que ce village offre l'un des plus beaux panoramas du pays sur l'Himalaya. Deux jours durant, nous nous lèverons à 5h45 et nous nous hâterons jusqu’au mirador pour ne pas le louper : le lever du soleil sur la célèbre chaîne montagneuse. Le deuxième jour, au loin, nous distinguons des formes blanches et vaporeuses. ça y est, encore des nuages, c'est jour de chance. Tiens, mais ces nuages semblent bien pointus... Mais attends, regarde, tu ne crois pas que... Mais non, ce n'est pas possible, c'est trop haut. Mais si ! Mais si ! ça doit être la crête des sommets himalayiens ! Trépignants, nous attendons que le soleil poursuive sa lente ascension et nous révèle enfin la vérité. Et, petit à petit, les voilà. Ils se dessinent et se forment sous nos yeux ébahis. Un sommet, puis un autre, puis encore un autre ; tous recouverts de leur manteau blanc. Alors, nous nous asseyons et contemplons humblement.
A côté de nous, un Allemand nous regarde nous extasier sur ce paysage qui lui est familier. Il a vécu trois ans et demi au Népal, à l'époque où Katmandou ne comptait qu'une dizaine de voitures. A l'époque où la route que nous avons empruntée était la seule qui reliait les vallées du Nord à la plaine du Sud et à l'Inde. A cette époque, le gouvernement népalais, avec l'aide de la communauté internationale, échafaudait son premier plan d'études universitaires. N'ayant aucun professeur népalais répondant aux compétences requises, chaque domaine d'étude fut attribué à un pays étranger. L'Allemagne fut désignée pour l'éducation physique. Ainsi Uli fut le premier enseignant d'éducation physique du Népal. Les principes d'enseignement qu'il a alors instaurés sont aujourd'hui encore d'actualité. Il y a deux ans, il est revenu au pays après plusieurs décennies d'absence. Dans ses yeux, on devine la nostalgie du temps passé. Aujourd'hui, Katmandou est surchargée de véhicules à toute heure de la journée et de la nuit. Aujourd'hui, la pollution voile l'horizon. Mais juste à côté de cette nostalgie, on y voit l'amour porté à ce pays qui est aussi le sien.
Fin de la parenthèse forêts-montagnes-tranquillité-recueillement. Nous voilà propulsés, à peine arrivés au bas de l'autre côté du col, dans le trafic de la route nationale Pokhara-Katmandou. Klaxons, gaz d'échappement, poussière. Encore 25 km. de montée et nous serons à Katmandou. 
Nous y voilà depuis maintenant trois jours. Grâce aux conseils d'autres cyclo-voyageurs et à dame chance, nous prenons nos quartiers dans un trois pièces grandiose sur le toit d'une guest-house. Une petite chambre avec un lit comme seul mobilier, une terrasse immense et des WC-douche à l'opposé. Et pas de quoi se ruiner, à 4 francs la nuit. Cette première immersion dans la capitale est destinée avant tout à la préparation de la suite de notre séjour. La visite sera pour une prochaine fois. Permis de trekking, autorisation d'accès dans les régions protégées, informations à l'Ambassade de Chine, inflammation des neurones à cause de la préparation du tour du massif de l’Annapurna... Dans quel sens ? A vélo ? A pied ? Avec quel chargement ? Est-ce possible ? Y a-t-il encore beaucoup de neige ? 
C'est décidé. Nous partons demain. A vélo. Avec notre tente, nos sacs de couchage et deux sacs à dos. Allègement de nos affaires au maximum ; pas de place pour le superflu ou l'agréable, juste pour l'absolu nécessaire. Possible ? Nous le saurons dans un peu plus d'un mois. Place  à l'aventure.

P.S. Ne vous inquiétez pas de ne pas avoir de nouvelles ces prochains temps, Internet ne fait pas partie du lot « absolument nécessaire » dans les montagnes.  

1 commentaire:

  1. Namaste
    Un bon reportage
    Merci de nous partager ces merveilleux experience

    Bon courage

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