Correspondance


Chère Famille,

Permettez-moi de vous voler quelques minutes de votre vie pour vous raconter un fragment de la mienne. Pour ces quelques lignes, j'ai échangé, avec un certain plaisir, ma vieille plume de cyclo-voyageur contre celle d'une mouette distraite. Volatile un peu pataud qui, à son retour dans la brise, m'offrit ce cadeau. C'est en longeant les côtes du Pays du Soleil Levant que l'envie de vous écrire m'est venue. Quoi de plus inspirant que les eaux bleues du Pacifique ? Comme un enfant devant un cadeau, mes sentiments se mêlent : excitation, désir, fascination... Mes yeux sont grand ouverts, mais n'arrivent pas à tout voir, à tout avaler, comme mon appétit le souhaite. Cela fait maintenant un peu plus d'un jour que nous avons embarqué sur la Traviata et déjà le parfum de l'aventure se fait sentir.

Mais revenons à terre, sur ce sol asiatique qui nous a hébergés le temps de deux printemps. Je vous éviterai le trop habituel résumé de notre périple mais me glisserai dans la douceur des sentiments que l'on rencontre sur les routes et les pistes de ce continent. Corée du Sud, tu as été le dernier pays d'Asie que nos pneus ont foulé, le dernier pays à nous offrir l'hospitalité. Difficile de te quitter. Tant de souvenirs, d'expériences que l'on a partagés avec Toi, tout comme avec tes « frères » de l'Est ! Une envie de pleurer me gagne, la morosité m'ayant déjà envahi la veille. Est-ce une page qui se termine ou une qui commence ? Qu'importe !

Ecrire encore et encore entre les lignes. Ne pas lâcher cette plume qui nous a déjà tracé une si belle aventure. Mais le temps passe, les heures s'effilochent comme un drapeau au vent. Il faut se résoudre, accepter la fragilité d'une journée, notre impuissance à la rallonger. Peut-être est-ce justement dans l'éphémère que réside la beauté du voyage ? Ne peignons pas non plus tout en blanc. Notre voyage euro-asiatique a eu son lot d'orages, assombrissant notre horizon, le ramenant à cette couleur unique qu'est le noir. Colères, impuissance, peurs, mélancolie, tristesse ont été les nuages de notre route. Qu'ils soient du pendant ou de l'avant notre départ. Comment ne pas se rappeler, lorsque l'on aperçoit un chat « dormant » sur le bitume. Comment ne pas se rappeler, lorsque l'Histoire est à chaque coin de rue. Comment ne pas pleurer, quand deux continents nous séparent des gens que l'on aime.

Mais le temps est un bon professeur. Si trop souvent il est contraint d'écrire en blanc sur un tableau noir, il nous a appris à apprécier le gris. Gris, qu'il faut prendre le temps de déchiffrer. De réduire comme on le ferait avec un bouillon pour n’en garder que le meilleur. La boucle est donc bouclée. Le temps qui nous invite à le prendre et peut-être même à le comprendre.

Si le soleil transformait le pont en fournaise, au début de cette lettre, en cet instant, il nous offre un dernier baiser avant de nous abandonner à l'obscurité. Orange sera la couleur qu'il a choisie pour nous dire au revoir. Peut-être un peu trop présomptueux, c'est avec toutes les couleurs de l'arc-en-ciel que je vous fais mes adieux. Le bleu pour l'envie, le rouge pour la vie. Le vert pour l'espoir, le jaune de se revoir. Et pour que cet arc, tout comme notre voyage, soit complet, j'y ajouterai un rien de violet.

Portez-vous bien et gros bisous à vous tous.
Olivier et naturellement Aline


OF 28.08.13


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