Le meilleur ami de l'Homme

Vous pourriez écumer tous les continents, visiter les régions les plus reculées de notre terre, jamais vous ne rencontrerez un cyclo-voyageur ne vous parlant, à un moment ou à un autre, de chiens. Il est bien connu, le chien s'abat aussi rapidement dans un fusil que sur un voyageur à la petite reine. Mais attention, ne tirons pas de conclusions hâtives sur ce quadrupède. S'il ressemble bien souvent à Max, la célèbre créature du roman homonyme de Stephen King, il lui arrive également de nous faire retomber dans notre enfance. De nous donner envie de fredonner l'hymne de ce si merveilleux berger des Pyrénées. 

Le voyageur au long cours doit donc faire avec. Là où il y a des hommes, il y a des chiens. Et mieux vaut apprendre à les différencier. Si « l'habit ne fait pas le moine », le pelage fait souvent le chien. J'aime à classer ces animaux en trois catégories : les dressés, les délaissés, les abandonnés. A cela peuvent s'ajouter les sous-catégories suivantes : les travailleurs, les mamans et les malades ou accidentés. Naturellement, on pourrait distinguer bien d'autres sous-catégories. Mais les chiens vont vite et les vélos lentement, il ne faut donc pas se perdre dans les détails et agir en conséquence.

Les dressés : géographiquement parlant, ils se retrouvent le plus souvent dans les pays dits développés. Reconnaissables à leur beau pelage, on constate rapidement que leur histoire ne rejoint que rarement celle des voyageurs à deux roues.

Les délaissés : à mon sens, les plus dangereux. Ces derniers sont soit totalement crétins, soit totalement haineux. Courir et aboyer, tout en essayant de mordre une sacoche ou mieux un mollet, voilà toute l'étendue de leurs compétences. Appartenant à des propriétaires, soit totalement crétins, soit totalement haineux, ils ont su tirer le « meilleur » de leur maître. On ne peut donc pas vraiment leur en vouloir. Le manque d'affection restant la principale raison de leur état.

Les abandonnés : mieux renseignés sur l'effet « lancer de pierre » que sur la « caresse-gratouille », ils ont appris à craindre les bipèdes. De cette catégorie, le seul réel danger est de les prendre en pitié et de leur refiler tout votre casse-croûte.
 
Les travailleurs : là, la question ne se pose pas. Le chien restant peu compétent dans le service après vente, l'homme lui a déniché un job où il excelle : la garde. Si le chien de berger d’Anatolie vous annonce la couleur avec ses huitante centimètres au garrot et ces soixante-cinq kilos, ne sous-estimez pas les plus petits. Ils auraient tendance à faire du zèle. Et pas de jour de repos ni de retraite pour ces inlassables gardiens. Certains laisseraient même à penser qu'ils ont fait de leur job un hobby.

Les mamans : essayez de toucher un bébé dans la poussette d'une inconnue. A la suite de ce geste, vous pourrez aisément compter le nombre de ses doigts en vous regardant dans un miroir. Ou vous rendre compte à quel point l'entre-jambe de l'homme est fragile. Pour le chien c'est, à peu de chose près, pareil. Enfin, on a tout de même rarement vu une jeune maman mordre un inconnu !

Les malades ou les accidentés : ils ne vous attaqueront généralement pas et préféreront changer de trottoir. Mais s'ils se sentent en mauvaise posture, il ne se géneront pas pour vous le faire savoir. Une dernière charge pour l'honneur, vous diront les adeptes de la poudre noire.

Pour parer l'attaque redoutable de ces mâchoires aux babines salivantes, mille ruses sont adoptées par les cyclistes à travers le monde. On trouve naturellement le bâton, savamment attaché au cadre du vélo qui se dégaine plus vite que son ombre. Il y a aussi les poches à cailloux ou à toutes formes de projectiles protecteurs. Certains vont même jusqu'à emporter avec eux un petit boîtier à ultrason. Vraiment pratique quand on sait qu'il a une efficacité dans un rayon de sept mètres. Trente kilos lancés à bien quarante kilomètres heure, avec la seule envie de vous arracher un morceau… Je vois mal un de ces molosses stopper sur moins de sept mètres pour cause de petit bruit dérangeant. Moi, j'ai adopté une toute autre méthode. Ni arme, ni violence. C'est la confiance en soi qui me sauve... et peut-être un petit truc en plus que j'ai avec le règne animal. Un je ne sais trop quoi, qui ne s'explique pas vraiment. Un chien qui vous charge le fait généralement parce qu'il a peur de vous. Alors descendez du vélo plutôt qu'accélérez. Enlevez vos lunettes de soleil pour qu'il puisse voir votre regard. Signalez votre arrivée en sifflotant pour qu'il ne soit pas surpris. Tendez lui la main, pour qu'il sente votre odeur. Accroupissez-vous... Et si cela ne marcher pas, restez confiant. L'Homme de la situation, c'est vous. Retrouvez l'animal qui vit en vous et devenez le chef de la meute pour un instant. Imposez-vous par la voix, par le regard. Ça marche par tous les temps. Par soleil, comme par temps de chien.
 OF 15.11.13


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