Les pieds devant



Les cyniques l'auront compris. Le sujet que j'aborde aujourd'hui porte le manteau du macabre. En toute franchise, vous êtes sûrement plusieurs à avoir imaginé une fin tragique à notre voyage : accident de la route, vol avec violence, agression, déshydratation, maladie incurable, enlèvement, morsure de serpent, piqûre d'arachnide ou de scorpion, dévorés par un tigre, déchiquetés par un ours, rackettés par les forces de l'ordre, gelés dans les montagnes, affamés au milieu de rien, empoisonnés par une source d’eau impure, massacrés au nom d'un dieu, disparus en mer, homicide conjugal... N'en ayez pas honte ! Je me suis également posé cette fameuse question : reverrai-je une fois la Suisse ? Fort d'un peu moins de deux années de voyage, j'ai fait la liste des enquiquinements qui pourraient me faire économiser le billet du retour. Cette liste, je l'ai appelée : « revenir les pieds devant ». Et là, surprise ! La cause la plus plausible pour que vous soyez tous là à mon retour et de plus bien habillés, est l'électricité. Quand je dis électricité, n'y voyez pas le gaulois dans la crainte permanente que le ciel lui tombe sur la tête. Non, je vous parle de ce bon vieux 230 volts que l'on retrouve à peu près partout sur notre planète. S'il est universel, il est abordé avec plus ou moins de sérieux d'un bout à l'autre du globe. Je ne vous peindrai pas le tableau électrique de la Suisse. Rigueur, normes et sécurité sont ses couleurs principales. Je ne mettrai donc pas en doute le fait que les premiers électriciens du monde devaient être plus germains que latins. Prenez un avion pour l'Inde ou le Népal et voyez seulement. Là, même un électricien chevronné ne pourrait expliquer comment un tel enchevêtrement de câbles peut fonctionner. Dans ces pays, ils doivent être au-delà des lois fondamentales de la physique. Y impliquer du divin ou tout simplement se dire que mourir par électrocution est un moyen simple et rapide de passer à la réincarnation suivante.

Entrée en matière : lors de notre périple indien, nous avons eu une chambre d'hôtel où, de la fenêtre, je pouvais aisément toucher le transformateur du quartier. Une autre fois, nous avons pu contempler un éclair blanc remonter sur plus de 200 m. les multiples câbles électriques d'une rue marchande, avant d’aller faire littéralement exploser le transformateur du coin. Toujours dans le même pays, bien assis sur le trône, je me retrouve, à la suite d'un éclair, dans le noir. L’ampoule des cabinets explosée entre mes pieds nus. Cette situation rend du coup l'utilisation du papier hygiénique beaucoup plus triviale ! Restons à la salle de bains, mais changeons de continent : Amérique latine. Imaginez un pommeau de douche gros comme un pamplemousse. Un pamplemousse que deux câbles électriques alimentent avec du 230 volts. Là, le corps-de-chauffe est intégré directement dans le pommeau. Les câbles d’alimentation le reliant n’étant recouverts d’aucune gaine. Pour enclencher cet engin de la mort, il ne faut pas utiliser un interrupteur étanche mais un ou deux disjoncteurs hors d'état. Ne vous inquiétez pas, pas besoin de sortir de la douche pour enclencher l'eau chaude ! Non, les disjoncteurs sont des plus judicieusement installés. Ils sont là, à côté de vous, à 60 cm. de votre pommeau. « Se laver en jouant avec l'électricité et marcher sur les traces de Claude François...», voilà quel pourrait être le nouveau slogan touristique sud-américain.
  OF 16.11.2013

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