De Kathmandu à 哈密

Deux semaines de sédentarisme à Katmandou. Une quinzaine de jours où l'on renoue avec ce qu'un tel mode de vie génère : vie en société (notre société à nous, c'est entre autres l'équipe de Français du massif de l’Annapurna), fidélisation avec le maraîcher et la laitière du quartier, sourires complices avec les employés de l’Everest Momo Center (restaurant où l'on sert uniquement des momos, sorte de raviolis farcis cuits à la vapeur) qui nous voient débarquer presque tous les soirs... Bref, une vie faite de routines et d'habitudes. Certes fort agréables. Mais en fin de séjour, les jambes s'impatientent. Le temps de reprendre l'aventure est venu.
Le 28 avril, nous décollons de Katmandou et atterrissons à Chengdu où nous passons notre première nuit en terre chinoise dans un hôtel luxueux aux frais d'Air China. Le lendemain, envol pour ürümqi où nous avons un pied-à-terre chez Natasha, une expatriée anglaise qui nous met à disposition tout le confort de son appartement. Ce dernier est le lieu de convergence des cyclo-voyageurs de tous horizons. Nous y retrouvons Lukas, un Hollandais qui s'en va à l'Ouest ainsi que Callie, une Américaine qui part au Nord. Nous, c'est à l'Est que notre route se profile. Après deux jours de douce immersion dans cette nouvelle terre d'accueil, nous nous lançons. Chine, nous voici ! Mais nous avons tôt fait de relever que LA Chine, au singulier, n'existe qu'en tant qu'entité nationale. Sur le terrain, il existe bel et bien DES Chines. Et la première que nous découvrons est celle du Xinjiang, terre des Ouïghours, nomades musulmans d'Asie centrale.
Quelques hésitations sur l'itinéraire puis nous optons pour la route qui longe la face nord de la chaîne des Tian Shan. Après avoir quitté ürümqi et les nombreuses zones industrielles qui succèdent à la ville, nous roulons des jours entiers perdus au milieu de rien. Une route rectiligne, quelques véhicules et nous. A gauche, des étendues à perte de vue. A droite, la chaîne de montagnes dont la crête revêt encore son manteau blanc. De temps en temps, une yourte accouplée à son enclos se cache derrière une colline. Seuls, nous ne le sommes jamais ; moutons, chèvres, chevaux, ânes et chameaux donnent vie à cette terre de silence. Le nomadisme nous habite à nouveau, comme si cela allait de soi. Il faut avouer que trouver un lieu de camping n'est guère difficile dans cet environnement. Le vent néanmoins nous compliquera parfois la tâche. 
Ainsi nous renouons avec la nature et nous nous laissons conquérir avec plaisir par le peuple qui l'habite. Nous retrouvons entre eux et nous, qu'ils soient Ouïghours ou Han, les similitudes qui nous avaient longtemps manqué. Pour eux, la barrière de la langue n'est pas une fatalité. Si les mots viennent à manquer, alors ils cherchent des alternatives à la communication. Comme ce restaurateur qui, au vu de ma mine perplexe devant le menu en chinois, me fait venir en cuisine pour me montrer les aliments et me mimer leur préparation. Depuis notre arrivée en Chine, nous avons retrouvé un certain anonymat, ce qui n'empêche pas de nombreuses personnes de nous offrir leur plus beau sourire. Ceci une fois l'effet de surprise passé. C'est qu'ils ne doivent pas voir beaucoup de cyclo-voyageurs occidentaux par ici, car la plupart d’entre eux passent par la route de la soie, de l'autre côté des montagnes. Là-bas, c'est désertique et chaud. Ici, il y a comme des airs de bout du monde et il peut faire froid. La nuit et tôt le matin, la température flirte avec le zéro degré. D'ailleurs, l'une des premières préoccupations des habitants est de savoir si nous avons des habits chauds avec nous. Beaucoup d'entre eux portent de longs manteaux feutrés verts avec des boutons dorés ainsi que de gros bonnets doublés de fourrure.
Petit à petit, nous décodons ce bout du monde. Nous apprenons par exemple qu'un bâtiment aux allures d'entrepôt peut se révéler être un restaurant, un magasin, ou les deux. Une fin de matinée, à la recherche de victuailles, nous désespérons devant l'alignée de hangars et l'absence de magasin. Quoique. Un homme entre dans l'un de ces blocs. Et si nous tentions le coup ? Bon, c'est cinquante-cinquante entre l'arrivée dans un réel magasin et l'entrée intrusive dans une demeure privée. Doucement, je pousse la porte. Premier tableau  : un canapé avec deux femmes et un homme qui me regardent d’un air étonné. Non, allez, ce n'est pas possible, je n'ai pas pu me tromper ! Tant qu'à faire, je pousse un peu plus loin. Deuxième tableau : des étagères avec des denrées. Victoire ! C'est un magasin ! Tout petit, mais il y a de quoi trouver son bonheur. Il faut dire qu'au niveau culinaire, nous nous extasions devant la diversité des aliments et la variété des saveurs. Rien ne se ressemble et tout est bon… ou presque. Fini le dal bhat ; place aux boules-vapeur, au tofu et à la viande, aux pains divers, aux nouilles et à la sauce soja... et j'en passe. Et vive les baguettes, pour le plus grand plaisir et rires de ceux qui nous regardent faire.
Hier, nous avons quitté notre bout du monde, avons conquis un col à 2’800 mètres et sommes redescendus de l'autre côté des montagnes. Au loin, nous apercevons la silhouette urbaine de Hami. Mais pour l'heure, nous campons dans les ruines de ce qui fut jadis une ville ou peut-être un caravansérail. Car nous voilà à nouveau sur la route de la soie. AG 12.05.13

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