De Wuwei à Hohhot

Wuwei, Wuwei, Wuwei... Ce nom résonne déjà dans le lointain. Pourtant, c'était il y a un mois. Déjà de nombreux souvenirs sont venus s'additionner à ceux de cette ville. Essayons de les dégager un peu et de remonter le temps. 
Nous quittons Wuwei l'esprit tranquille d'avoir pu organiser tout ce qui était nécessaire pour la suite de notre voyage. A peine le temps de se remettre en selle que déjà les tracas administratifs reprennent. Je réalise que sur la clé USB perdue ce matin en ville se trouve le scan de nos cartes de crédit. Autant dire que si la personne qui a ramassé la clé est un tant soit peu malintentionnée, elle va pouvoir s'offrir monts et merveilles aux frais de la princesse ! Nous voilà donc à nouveau en quête urgente d'Internet. Les employés d'une station-service se démèneront pour me dénicher un accès et, une fois de plus, j'en appelle à la serviabilité sans fin de notre préposé administratif en Suisse, mon père. Cette fois c'est bon, nous pouvons reprendre notre chemin, sereins. 
Wuwei marque la fin de la province du Gansu. Nous entrons ensuite dans celle du Ningxia où se déploie le fleuve Jaune, puis dans celle de la Mongolie-intérieure. La pluie des premiers jours nous force à adopter un nouveau type de terrain de camping : les dessous de ponts. Emplacements des plus stratégiques car ils nous épargnent les caprices du ciel, nous cachent des regards et sont rapidement accessibles depuis la route. Ce répit de fin de journée ne nous empêchera pas de chanter l'hymne à la joie une fois le soleil revenu en maître, après trois jours de grisaille et d'humidité.
Après la route de la soie, nous empruntons la route du charbon. S'il ne reste de la première que des récits antiques de caravanes, celle de la deuxième est bien actuelle. Un nombre incessant de camions nous dépassent, laissant derrière eux une traînée de poussière noire. La petite toilette quotidienne spartiate ne viendra pas à bout de la couche de saleté qui s'accumule jour après jour sur notre peau. Plus d'une quinzaine de jours nous séparent de Hohhot, prochaine ville-repos sur notre parcours. Jamais un tel objectif ne nous avait paru aussi loin. Le désir, puis la nécessité d'une douche chaude et décrassante s'intensifie de jour en jour. Pressés par ce besoin mais aussi par le devoir d'arriver à temps à Hohhot pour renouveler notre visa, nous alignons les journées à plus de 100 km. 
La province de Mongolie-intérieure nous offre quelques jours de répit dans le paysage industriel et urbain du Ningxia. Pour quelques jours du moins. Le temps d'apprécier les grandes étendues vertes qui se perdent à l'horizon, sans autre relief que celui de quelques maisons isolées ou d'un troupeau de moutons. C'est beau. Mais guère pratique pour camper. Une famille d'éleveurs nous aperçoit nous faufiler à travers champs à la recherche d'une quelconque bosse pour nous dissimuler. Elle nous propose plutôt de venir camper dans son domaine. Nous entrons ainsi dans l'intimité d'une chaumière et nous nous imprégnons d'un instant de vie d'une famille provinciale. Le père et la fille ont un faciès qui nous est familier alors que celui de la mère trahit ses ancêtres mongols. Le calendrier accroché au mur arbore quant à lui une langue jusqu'alors inconnue, pour nous encore plus abstraite que le chinois. Après un bol de céréales et yogourt, une intarissable tasse de thé salé et la visite d'amis de la famille, nous plantons notre tente sur le terrain de jeux nocturnes des moutons et des chèvres. Le jour suivant, c'est dans le studio d'un jeune couple que nous sommes invités à prendre le repas. Ou plutôt à poursuivre le repas puisqu'ils nous ont d'abord invités à manger des momos au restaurant du village. Leur nid se résume à un lit, une bouilloire, un robinet, un ensemble table-et-chaises miniature, un frigo et quelques affaires posées sur un sommier. Ni douche, ni toilettes, ni cuisine. Bai Ling, la femme, ne travaille pas; le mari est mineur. Ils nous reçoivent comme des rois et Bai Ling nous écrit une lettre en chinois que nous conservons précieusement. Le mystère de son message restera complet tant que nous n'aurons pas trouvé de traducteur.          
Après avoir quitté les infinies plaines vertes pour renouer avec les grandes villes industrielles et les champs cultivés, nous atteignons enfin Hohhot. AG 21.06.13

Le fleuve jaune

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